« Les gens ne vont plus à la becqué ». Voilà, ce qui explique, selon le Maire de Bastia, la baisse des aides d’urgence attribuées par le centre communal d’action sociale (CCAS) !
Cette petite phrase, passée presque inaperçue, témoigne d’un terrible mépris de classe…
Les CCAS ont été créés, il y a un demi-siècle pour mettre en œuvre les solidarités et organiser l’aide sociale au profit des habitants de la commune.
Ainsi, les CCAS ont pour rôle de lutter contre l’exclusion, d’accompagner les personnes âgées, de soutenir les personnes souffrant de handicap et de gérer différentes structures destinées aux enfants…
Si le Maire a dû s’expliquer c’est parce que l’opposition bastiaise – « Unione Per Bastia » – avait demandé des explications, s’étant saisie du travail que j’avais effectué sur l’évolution du CCAS depuis 2018.
En effet, entre 2018 et 2021, sa masse salariale a augmenté de 104.5% soit 92.1% de la subvention allouée par la ville. Or, dans le même temps, les « aides de secours » consacrées à l’aide alimentaire ou financière et gérées par le CCAS de Bastia sont en baisse constante. Elles sont passées de 244 725 € en 2018 à 130 085 € en 2021.
Le nombre de foyers ayant bénéficié de ces aides a lui aussi baissé passant de 835 en 2018 à 526 en 2021.
Ainsi, il justifie la baisse des aides de secours par le fait qu’elles seraient désormais de la compétence de la collectivité de Corse.
Le Maire de Bastia ment délibérément ou ignore totalement le fonctionnement de son propre CCAS !
Pour bien comprendre, il faut savoir que l’article L 3214-1 stipule que « le conseil départemental adopte le règlement départemental d’aide social définissant les règles selon lesquelles sont accordées les prestations d’aide sociale relevant du département »
Les aides sociales légales recouvrent un ensemble de dispositifs tels que le RSA, de l’aide aux personnes âgées, à l’enfance et aux personnes handicapées.
Or, depuis 2018 et l’avènement de la collectivité unique, cette obligation incombe à la Collectivité de Corse.
Jusqu’alors l’ex-Département de la Haute-Corse et le CCAS de la Ville de Bastia avait convenu de façon tacite et informelle, d’une répartition des compétences pour l’accompagnement des publics relevant des services sociaux. Ce dernier assurait le suivi des personnes isolées et des familles sans enfant mineur concernant les aides sociales légales
Le rapport d’orientations budgétaires 2022 du CCAS de Bastia nous apprend que la Collectivité de Corse a souhaité exercer elle-même toutes ses compétences d’ordre social et assurer la prise en charge du suivi de tous les publics sur la totalité de son territoire.
D’ailleurs, une convention entre la CdC et le CCAS a déterminé les modalités de mise en œuvre du transfert de public (personnes isolées ou foyers sans enfant mineur à charge) dont le suivi était alors dévolu au CCAS.
Il a été convenu d’une période transitoire (fin 2018 à fin 2020) pendant laquelle la CdC a versé une subvention de 150 000 € annuelle pour le travail assumé par une partie des agents du CCAS pour le suivi du public dépendant des services sociaux de la CdC.
Depuis 2021, le CCAS ne s’occupe plus des aides sociales légales. En revanche, il instruit les dossiers de demande d’aides qu’il transmet aux services compétents. Dossiers pour lesquels il perçoit un remboursement pour les frais de constitution de la part de la CdC.
En revanche, le CCAS a également vocation à mener des actions facultatives dont il fixe les modalités d’intervention. En effet, les communes bénéficient également d’une clause générale de compétence qui leur permet d’agir plus largement sur des champs légaux ou extra légaux.
Ce que confirme, d’ailleurs, le rapport n°2018/O2/348 du Président du conseil exécutif de Corse.
Les « aides de secours » appartiennent au champ extra légal ! Leur attribution est soumise à l’examen des membres de la commission permanente du C.C.A.S comme l’indique la plaquette du CCAS accessible depuis le site de la ville de Bastia.
Ce n’est pas parce qu’un mensonge est dit par un Maire que cela en devient pour autant une vérité!
Si les « aides d’urgence » ont diminué c’est uniquement sa décision !
Si la subvention versée par la mairie au CCAS est presque intégralement absorbée par l’augmentation vertigineuse de la masse salariale c’est encore sa décision !
Une augmentation d’autant plus étonnante que la CdC a récupéré une partie des missions du CCAS (aides sociales légales) allégeant la masse travail du personnel.
Le nombre des bénéficiaires des associations caritatives explose sous le double effet des conséquences de la crise sanitaire et de l’inflation.
Et pendant ce temps-là, le 1er magistrat de la ville, sous couvert de mettre un terme à un supposé clientélisme des temps anciens, élimine l’expression de la solidarité municipale tout en faisant du CCAS une machine à recruter.
Non, les gens qui ont des difficultés « ne vont pas à la becquée » et ne sont pas non plus dans « l’attente d’une offrande » !
Pour le penser, il ne faut pas savoir faire la différence entre la solidarité et l’aumône !
Combattre la pauvreté, redonner de la dignité à ceux qui sont dans une souffrance sociale n’est pas un acte de charité mais bien un acte de justice donc un devoir !Un devoir auquel manque le Maire de Bastia.