Ce n’est malheureusement pas un poisson d’avril. Dans un article de Corse Matin (24/03/2023), suite au débat d’orientation budgétaire 2023, Pierre Savelli considère l’augmentation du prix de l’immobilier à Bastia comme une validation de la dynamique initiée depuis 2014 et qu’il entend poursuivre !

Dans une ville où 57.3% des actifs ont un salaire net mensuel moyen de 1 765,7 € (qui peut chuter à 1 210 € pour ceux qui n’ont qu’un temps partiel), on a du mal à comprendre ce qu’il y a de réjouissant !
Mais pour le Maire de Bastia, le principal problème de notre ville, ce sont les pauvres : « 77% des Corses qui vivent dans des quartiers prioritaires (QPV) sont à Bastia ».
Et, il déplore un manque à gagner de recettes fiscales de 10 millions d’euros…
Au lieu d’apporter des solutions à des personnes dont on imagine les difficultés devant l’inflation galopante, il se réjouit de l’arrivée de nouveaux habitants capables d’acheter des biens dont le prix augmentent c’est-à-dire des « riches » !
Si les prix de l’immobilier augmentent à Bastia ce n’est pas pour les mêmes raisons qu’à Porto Vecchio ou sur la rive sud d’Ajaccio. Les fortunés « étrangers » n’y sont pour rien.
Bastia est une zone tendue. C’est-à-dire une zone où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements. Cela entraîne des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. Ainsi, le niveau des loyers et le niveau des prix d’acquisition des logements y sont élevés.
Ainsi selon l’INSEE Corse, si la population municipale a augmenté de 5 800 personnes entre 2013 et 2018 soit 13.7%. Dans la même période, le nombre de logements n’a augmenté que de 7%. Alors que la commune était déjà en zone tendue.
Cela signifie que les nouvelles constructions ne suffisent pas à satisfaire à la fois ceux qui peinent à trouver un logement et les nouveaux arrivants.
Pire, dans une ville où le taux de pauvreté culmine à 22% (28% chez les moins de 30 ans), selon l’INSEE, le nombre de logements sociaux décroît : 4 399 en 2008, 4 329 en 2019 et 4 299 en 2019.
Une diminution qui a de quoi interpeller dans une ville où le nombre de familles monoparentales, plus exposées à la pauvreté, a augmenté de 27% entre 2013 et 2019.
79% de ces familles sont des femmes seules avec enfants alors que, ce qui n’arrange rien, l’écart de salaires homme femme est de 11% à Bastia.
Le besoin de logement social est criant en 2019 pour 1 452 demandes il n’y a eu que 177 attributions.
La réponse de Pierre Savelli à cette problématique est déplorable.
Il y a un manque de logements sociaux au regard des revenus de la population.
Selon le diagnostic livré par le cabinet MSC à la demande de la ville de Bastia, le nombre de logements sociaux vacants à l’échelle de la Ville, serait élevé car leur état ne permet pas une mise sur le marché rapide, de par leur vétusté et le coût de la remise en état
Or, dans le cadre du nouveau programme de rénovation urbaine (NPRU), il s’apprête à détruire plus d’une centaine de logements sociaux.
De plus, la mairie est en train de vendre des terrains lui appartenant à des promoteurs (site de l’ancien collège de Montesoro et l’îlot de la poste). Or, sur environ 30 000 m², il n’est prévu aucun logement social !
Un besoin que Pierre Savelli a toujours balayé d’un revers de la main en affirmant que la ville est au-dessus du quota de 25% imposé par la loi SRU.
Il est cocasse de voir un maire appartenant à la famille politique Femu a Corsica s’abriter derrière une loi nationale pour justifier les carences de sa politique sociale
On ne saurait que lui faire remarquer que le seul quota qui vaille est celui qui correspond au besoin de la population.
En revanche, il y a des lois qu’il se plaît à ignorer. Par exemple, celles qui permettent de réguler les meublés de tourisme. Une pratique qui lèse de plus en plus la population résidente en entravant sa capacité d’accession à des logements de qualité.
Rien que sur la plateforme Airbnb, il y a 285 logements disponibles à la location pour une semaine en avril allant de 250 à 1 100 €.
Ce nombre grimpe à 562 pour une semaine sur la période juillet-août allant de 225 à 1 310 €.
En juillet 2022, bien qu’elle n’en ait absolument pas la compétence, la communauté d’agglomération de Bastia a voté le principe d’une régulation de ces locations touristiques.
L’effet d’annonce a permis à la presse de titrer que la CAB s’attaquait à cette pratique alors que concrètement rien ne pouvait être entrepris.
Sur la base de l’analyse que j’avais produite, (https://fpolettiblog.com/2022/06/28/comment-preserver-lacces-au-logement/), l’opposition bastiaise par le biais de Jean Sébastien De Casalta avait déposé une motion, en septembre 2022,pour réguler ces locations car la commune en a les compétences.
La majorité municipale s’était engagée à la mettre en œuvre mais à l’orée de la saison 2023 rien n’a encore été fait !
Une offre de logements qui se raréfie, des prix en hausse, il n’est donc pas étonnant que la politique prônée par le maire de Bastia contraignent les plus défavorisés au départ .
Les foyers fiscaux appartenant aux 3 plus basses tranches fiscales ont diminué de 4.3% entre 2013 et 2019, ceux des 3 plus hautes tranches ont augmenté de 17.5% sur la même période.
Une drôle de politique sociale qui se résume à remplacer les moins aisés par des plus riches.
C’est un peu comme si un médecin pour vanter ses mérites ne prenait qu’une clientèle bien portante en refusant les malades!
Autre point dont se réjouit Pierre Savelli : l’augmentation de la population municipale. Si elle est passée de 42 654 en 2013 à 48 503 en 2019 soit + 6 249, il convient de fortement relativiser car le nombre de foyers fiscaux dans la même période n’a progressé que de 817.
De plus, dans la même période, le nombre d’enfants scolarisés en primaire et en maternelle a baissé de 5,5% sur Bastia alors qu’il a augmenté de 2,7% dans les autres communes de la CAB.
D’ailleurs sur cette même période, on note une baisse des natalités enregistrées à Bastia : -27%
Et, en 2020, la population municipale a amorcé un recul : -207 habitants par rapport à 2019.
Des prix de l’immobilier en augmentation, ce qui chasse les moins aisés de la ville.
Des projets structurants en panne, ce qui peine à séduire les plus aisés.
Des hausses permanentes pour compenser le coût d’une gestion hasardeuse: taxe d’enlèvement des ordures ménagères, prix du stationnement, prix de l’occupation du domaine public, prix de l’eau.
Il semble que la seule dynamique que cette majorité municipale soit celle du déclassement de notre ville.