Bastia: l’îlot de la poste perdu dans un océan d’incompétence

Nous étions en 2016. La ville de Bastia se félicitait dans les médias locaux de l’acquisition de l’îlot de la poste. Elle se réalisait via  une opération de portage par l’office foncier de la Corse.  Le coût de l’acquisition se porte à 3 470 000 euros pour 8 000 m² de surface existante et 18 000 m² de surface constructible.

Gilles Simeoni se targuait d’avoir agrandi, lorsqu’il fut l’éphémère maire de Bastia, le périmètre de préemption de la ville ce qui permettait d’intégrer l’îlot de la poste.

Selon lui, une opération immobilière aussi importante avec une portée stratégique aussi forte ne pouvait pas rester uniquement entre les mains du privé.

Ces 3 années de portage devaient permettre à la ville de Bastia de viabiliser son projet stratégique techniquement et financièrement. En effet sur cette commune étriquée de 20 km² dont la moitié est en zone non constructible le moindre m² revêt une importance capitale surtout en plein centre-ville.

Cependant, en 2018, soit 2 ans plus tard, dans le rapport d’observations définitives, les magistrats de la chambre régionale des comptes pointaient que le projet de l’ilot de la poste n’était toujours pas clairement défini. Ils notaient qu’il devait porter sur l’installation de commerces, de logements, d’une activité tertiaire (centre de séminaire, agence postale et bancaire, et école de commerce)

Il faut attendre  2019, pour voir lancé un appel à candidature par la ville (conjointement avec La Poste et France TV, intéressés par l’occupation des lieux) pour désigner le promoteur-constructeur qui se chargera d’aménager les lieux.

Exit l’école de commerce, le projet se concentre sur des commerces, de l’hôtellerie avec un espace séminaire, des bureaux et des logements.

Le 20 avril 2019, le principe du marché est validé par le conseil municipal  sans qu’aucun cahier des charges du marché fixant les objectifs et les conditions de cession de l’îlot ne lui soient communiqués.

Le 4 octobre 2019, le marché  est publié.

Le 2 décembre il est clôturé. Un délai très court pour un projet d’importance stratégique pour la ville de Bastia.

Le 24 septembre 2019, la convention de portage prévu de 2016 doit être prorogée de 2 années supplémentaires. La ville n’ayant pas su mettre à profit les 3 années écoulées pour murir son projet.

Le 4 février 2021, 5 ans après la signature la convention de portage avec l’office foncier de la Corse, le conseil municipal valide la rachat de l’îlot de la poste par la ville pour la somme de 3,8 millions d’euros. Les 300 000 € de recettes générées par l’office foncier seront déduites. Le coût de l’opération s’élève donc à 3 500 000 €.

Cet achat est validé sans qu’aucune information sur le marché lancé en octobre 2019  et clôturé en décembre 2019, ne soit communiquée. Le conseil municipal ignore totalement le projet qui y sera fait.

Le 17 décembre 2021, suit à l’appel d’offre lancé en 2019,  le conseil municipal acte la vente de l’îlot de la poste pour 3.2 millions d’euros.

600 000 euros de moins que le prix déboursé par la mairie à l’office foncier (hors recettes) en 2021

270 000 euros de moins que le prix déboursé par l’office foncier pour l’acheter en 2016

Le promoteur acheteur prévoit un programme sur 12 823 m² (hors stationnement)

  • France télévision et la poste représentent 13.6% de la superficie
  • Les logements représentent 34.25% de la superficie
  • Les commerces et bureaux représentent 16.9% de la superficie
  • Les locaux pour profession libérale représentent 2.2% de la superficie
  • L’équipement hôtelier représente 33% de la superficie

A cela s’ajoute un parking souterrain de 300 places sur plusieurs niveaux.

On a du mal à comprendre en quoi la ville a pesé sur la nature de ce projet. En d’autres termes, pourquoi est-il radicalement différent de ce qu’aurait fait un promoteur s’il avait acquis directement l’îlot en 2016 ?

La ville n’a pas de droit de regard sur les commerces qui s’y implanteront. Elle n’a pas non plus imposé de logements sociaux. On retrouve seulement 6 logements à prix maitrisé pour une superficie totale de 384 m².

On n’y retrouve pas les équipements structurants qui font cruellement défaut à Bastia. Palais des congrès, un complexe cinématographique, un marché couvert…

Cette vente devait être réalisée sous certaines conditions suspensives dans un délai de 24 mois avec faculté de prorogation par convention des parties. Parmi celles-ci,  on y retrouve tout naturellement l’obtention d’un permis de construire purgé de tout recours.

En revanche, une information n’a jamais été portée à la connaissance du conseil municipal. En effet, pour que le permis de construire soit accordé, il faut réviser le plan prévention du risque inondation (PPRI).

C’est ce que nous apprend le tout récent rapport d’observations de la chambre régionale des comptes sur Acqua Publica publié en décembre 2022.

Les magistrats précisent que pour réviser le PPRI il faut restaurer la capacité hydraulique des galeries d’écoulement du Fango. Pour cela, il faut retirer des galeries  les conduites d’eaux usées et les faire passer ailleurs.

Le coût total prévisionnel de ces travaux est évalué à 7,4 millions €.

Pour l’expliquer plus clairement, il faut qu’Acqua Publica réalise 7,4 millions € de travaux pour permettre au promoteur de réaliser son projet à l’îlot de la poste.

Or, la situation financière dégradée de cette dernière est catastrophique. Ce qui l’oblige, d’ailleurs, à devoir augmenter le prix du m3 de 43%.

Acqua Publica ne peut pas supporter financièrement un tel investissement sans faire appel aux contribuables (parmi eux  les Bastiais)

La sollicitation d’une participation de 80% demandée à l’Etat soit 5.9 millions € n’avait toujours pas reçu de réponse en décembre 2022.

D’une part, on ne voit vraiment pas comment l’Etat pourrait mettre 5.9 millions d’euros dans des travaux destinés à permettre à un acteur privé de faire un projet immobilier. Cela serait tout simplement hallucinant !

D’autre part, si par extraordinaire il le faisait, Acqua publica n’est pas en situation financière de mettre les 20% restants soit 1.48 millions d’euros ! Même si la régie des eaux abandonnait tous les travaux d’amélioration du réseau, elle aurait du mal.

Comment imaginer qu’Acqua Publica sacrifie l’intérêt général des usagers à l’intérêt particulier d’un promoteur ?

Cette nécessité de réaliser ces travaux pour réaliser le projet de l’îlot de la poste n’est pas nouvelle. Dès 2016, la mairie de Bastia aurait dû s’en préoccuper au lieu d’attendre 6 ans.

Même s’ils se réalisaient, cela prendrait plusieurs années auxquelles s’ajoutent les délais d’obtention du permis purgé de tout recours et le délai de 4 ans de réalisation du projet immobilier.

En 2019, Pierre Savelli a affirmé que ce projet de l’îlot de la poste verrait le jour vers 2023.

En 2021, il tablait sur 2026.

Si ce projet voit le jour, il faut plutôt considérer que ça sera en 2030.

Mais il n’y a pas qu’un problème de délai. Depuis, avril 2021, la mairie de Bastia a déboursé 3.5 millions d’euros pour racheter l’îlot de la poste à l’office foncier de Corse.

Elle espérait percevoir 3.2 millions, lors de sa revente, à brève échéance. Ce qui ne sera pas le cas.

Elle doit donc faire face à cet imprévu alors qu’elle est déjà dans une situation financière très délicate.

Cela explique sans doute la baisse du financement des programmes pluriannuels et l’emprunt de 4,3 millions d’euros que le maire de Bastia a fait valider par le conseil municipal le 17 novembre 2022

Dans une période d’inflation, alors que le pouvoir d’achat n’a jamais été aussi faible, les contribuables bastiais vont faire les frais de l’inconséquence de cette majorité municipale qui n’aura pas d’autres choix que d’augmenter les impôts locaux.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s