Ce que la majorité a fait avec le centre communal d’action sociale (CCAS) n’est certes pas illégal mais moralement répréhensible.
Prétendre maitriser la masse salariale inscrite au budget principal en ne faisant que transférer les agents de l’action sociale de la ville au CCAS n’est pas un exemple de transparence.
Et ce d’autant moins que le recrutement du CCAS ne nécessite pas l’approbation du conseil municipal.
Pour illustrer la lutte contre la pauvreté prétendre avoir augmenté la subvention du CCAS alors qu’il s’agit seulement de compenser les frais de personnel du CCAS n’est pas digne d’une maison de cristal.
Les CCAS ont été créés par le décret-loi du 29 novembre 1953 avec pour mission d’animer une action générale de prévention et de développement social au sein de la commune en liaison étroite avec les institutions publiques et privées. Ce sont les maires qui en sont les présidents et le CCAS gèrent, entre autres, les aides de secours qui sont soit alimentaires soit financières.
J’ai voulu comparer avec la ville de Sète et celle de Grande-Synthe qui appartiennent à la même strate de population que Bastia.
Sète est une ville méditerranéenne avec un nombre d’habitants et un taux de pauvreté équivalents à Bastia.
Grande-Synthe est une ville de 22 522 habitants mais avec un taux de pauvreté bien plus élevé (31%). Cette commune a mis en place un minimum solidaire garanti. Il s’agit d’une aide facultative allouée par le CCAS de la ville pour les foyers dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté pour les faire parvenir à ce niveau.

Une subvention plus faible qu’ailleurs et absorbée par l’augmentation de la masse salariale.
A Bastia, jusqu’en 2018, la ville attribuait une subvention au CCAS et prenait en charge son personnel qui était rattaché au budget principal.
Elle était de 600 000 € en 2012 (rapport de la chambre régionale des comptes), puis de 400 000 € en 2017 (compte administratif 2017) et de 1 260 000 € en 2021 (CA 2021).
Mais à partir de 2018, le CCAS a dû prendre en charge les frais de personnel alors qu’ils étaient rattachés au budget principal de la commune jusqu’alors. Une prise en charge que la mairie a compensé en augmentant la subvention.
Ainsi, dans le compte administratif de la mairie une partie des charges de personnel s’est simplement transformée en une augmentation de subvention.
Quoiqu’il en soit en 2021, malgré cette augmentation, la subvention ne représentait que 2,53% des dépenses de fonctionnement de la ville de Bastia contre 8.86% pour la ville de Sète et 5,1% pour la ville de Grande-Synthe.
Zoom sur l’année 2020, année du confinement stricte lié à la COVID :
La subvention a représenté une part plus importante des dépenses de fonctionnement à Sète et Grande-Synthe mais cela a été étrangement l’inverse pour Bastia.
Sur la période 2018-2021, c’est en 2020 que la mairie de Bastia a alloué sa plus faible subvention à son CCAS.
A Grande-Synthe, Sète et dans les 2269 CCAS de même strate de dépenses du budget principal cela a été le contraire !!

La masse salariale du CCAS explose
A partir de 2018, la ville de Bastia n’a plus pris en charge les 14 agents du service d’action sociale de la commune.
Lors de ce transfert au CCAS, cette masse salariale représentait 616 000 €. Pendant l’année 2018, les frais de personnel ont augmenté pour finir à 872 494 €.
Depuis, cela n’a cessé d’augmenter, en 2021, les frais de personnel représentaient 1 160 400 €. Soit, une augmentation de 104,5 % entre début 2018 et fin 2021 !
En 2018, les frais de personnel du CCAS représentaient 70,36% de la subvention allouée par la ville.
En 2021, ils représentaient 92.1% de la subvention !
En 2021, le ratio charge de personnel/dépense de fonctionnement était de 71% pour le CCAS de Bastia contre 84% à Sète et 33% à Grande Synthe.
Cependant, c’est à Bastia la marge de manœuvre financière est la plus faible.
En effet, si on déduit les frais de personnel des recettes totales de fonctionnement, la marge de manœuvre est en 2021 de :
- 417 982 € à Bastia
- 1 741 733 € à Sète
- 2 203 472 € à Grande-Synthe

Marge de manœuvre du CCAS de plus en plus réduite
Depuis 2018, les « aides de secours » consacrées à l’aide alimentaire ou financière et gérées par le CCAS de Bastia sont en baisse constante.
Elles sont passées de 244 725 € en 2018 à 130 085 € en 2021.
Le nombre de foyers ayant bénéficié de ces aides a lui aussi baissé passant de 835 en 2018 à 526 en 2021.
Il faut dire que le ratio dépense de fonctionnement (hors personnel) par personne vivant sous le seuil de pauvreté est en baisse.
En 2018, le CCAS dépensait (hors personnel) en moyenne 81 € par habitant vivant sous le seuil de pauvreté contre 58 € en 2022.
A Sète, cette dépense est passée de 153 € en 2018 à 174 € en 2021. Et à Grande Synthe de 268 en 2018 à 492 € en 2021.
Il est étonnant de constater que c’est en 2020, année du confinement, que le CCAS de Sète et celui de Grande Synthe ont le plus dépensé par habitant vivant sous le seuil de pauvreté. Or, c’est cette même année que celui de Bastia a le moins dépensé.

Conclusion
L’augmentation de 104,5% de la masse salariale entre début 2018 et fin 2021 fait du CCAS de Bastia un outil à recruter.
Un recrutement qui a l’avantage de ne pas avoir à être discuté en conseil municipal. Vous avez dit transparence !
Ainsi entre 2017 et 2021, les charges de personnel de la mairie ont augmenté de 9,21%. Mais si l’on ajoute les charges de personnel du CCAS, cette augmentation sur cette même période est de 13.07%.
Autre fait saisissant c’est en 2020 année socialement très compliqué en raison du confinement que la mairie a le moins soutenu le CCAS. C’est au cours de cette même année que le CCAS a eu les dépenses de fonctionnement les plus faibles (sur la période 2018-2021).
A Sète, à Grande-Synthe et partout ailleurs dans les CCAS équivalents cela a été exactement l’inverse.
La lutte contre la pauvreté devient un simple prétexte pour recruter toujours plus au détriment de la mise en place de véritables actions pour tenter de l’éradiquer et de redonner un peu plus de dignité à ceux qui la subissent.
On n’attendait pas de cette majorité qu’elle se contente de rendre plus acceptable la pauvreté mais bien qu’elle fasse tout son possible pour la réduire.
Par exemple, le minimum social garantie mis en œuvre à Grande-Synthe qui vise à sortir les gens de la grande pauvreté mais également de les accompagner pour tenter de leur mettre le pied à l’étrier des par des procédures d’accompagnement vers de la formation professionnelle ou autre.
Cette majorité municipale préfère céder à un vieux poncif libéral qui consiste à considérer la pauvreté comme un mal utile.
Utile pour avoir des personnes corvéables ne pouvant refuser des jobs mal payés et précaires. Utile pour construire un électorat captif.
Nelson Mandela disait que la lutte contre la pauvreté n’était pas un acte de charité mais un acte de justice.
Cet acte de justice demande un courage politique auquel cette majorité a malheureusement renoncé par opportunisme électoraliste. Pour l’émancipation, on repassera !