NI Marine, NI Le Pen

Autant l’avouer, j’étais de ceux qui ne voulaient pas voir rejouer le match de 2017.

Le scénario était bien prévisible avec une gauche trop divisée. Le parti socialiste, à force de faire le grand écart entre les classes populaires et les bobos de la rive droite, est incapable de se relever.

J’étais prêt à voter blanc, mais ça c’était avant!

En effet, le résultat du 1er tour est tombé. En Corse, Marine Le Pen caracole en tête avec plus de 10 pts d’avance sur Emmanuel Macron.

Elle se paie même le luxe de réaliser 3 000 voix de plus que Gilles Simeoni au 1er tour des élections territoriales de juin dernier.

Tout ce qui, au plus profond de moi, constitue ma conscience politique ne peut s’accommoder avec le fait de voir la famille Le Pen aux portes du pouvoir.

Cette femme politique et le parti qu’elle dirige sont aux antipodes des valeurs qui sont les miennes. Non seulement, le rejet de l’autre, le repli sur soi, l’intolérance ne doivent pas s’imposer mais il leur faut le plus faible score possible. Ainsi, le message sera clair.  

Je ne veux pas me cacher derrière une anonyme et confortable abstention. Je compte user de mon pouvoir, le plus infime soit-il, pour lui faire barrage.

Il m’est impossible de faire du rassemblement national un parti comme un autre en le revoyant dos à dos avec En marche.

J’entends ceux qui affirment qu’elle ne serait plus d’extrême droite. C’est une façon pour eux de voter pour elle tout en se convaincant qu’ils ne donnent pas leur voix pas à l’extrême droite.

En somme, ils veulent le beurre et l’argent du beurre.

Si ce parti a tenté, depuis quelques années, de se donner une image plus respectable en cachant du mieux possible ses casseroles idéologiques, il suffit pourtant de peu de choses pour constater une réalité bien xénophobe.

A Strasbourg, siège du parlement européen, le rassemblement national est membre du groupe « identité et démocratie ».

On y retrouve, entre autres :

  • Le FPÖ autrichien, un parti connu pour ses dérives xénophobes qui fut un temps dirigé par un ancien officier SS.
  • Le Vlaams Belang belge souvent taxé de xénophobie et d’islamophobie
  • L’EKRE estonien à qui l’on prête des sympathies fascistes-néo-nazies
  • Le SPD tchèque que le monde diplomatique a qualifié de néofasciste.
  • La Lega Nord italienne de Matteo Salivini, connue pour ses positions xénophobes et racistes.

A toutes fins utiles, pour ceux qui voudraient faire de MLP la championne de la question sociale, ces partis populistes d’extrême droite sont tous d’inspiration libérale. D’ailleurs, on a vu une candidate fort peu à l’aise sur la question du pouvoir d’achat lors du débat de l’entre-deux tour. C’était pourtant censé être l’un de ses points forts.

Le rassemblement national a beau avoir changé de nom, la fille a beau avoir remplacé le père, il a le gout de l’extrême droite, la saveur de l’extrême droite et c’est, à n’en pas douter, vraiment l’extrême droite.

En Corse, il y a ceux qui affirment qu’il s’agit du vote des néo-arrivants.

Une manière de ne pas affronter le problème. En effet nier un problème, cela a le mérite d’avoir à éviter d’apporter des solutions.  

Une affirmation totalement fantaisiste. Pour s’en rendre compte, il suffit de constater que 71,77% des communes de Corse du sud ont placé MLP ou EZ en tête et 45% des communes de Haute Corse, soit 195 communes sur les 360 que compte la Corse !  

Il faudrait que ces nouveaux arrivants, les bougres, soient diablement bien répartis sur toute l’île y compris dans les endroits les plus reculés (que je ne connais que de nom et encore…)!

Et, puis cela donnerait à la Corse une singulière caractéristique, celle de n’attirer surtout que les électeurs du rassemblement national. Il ne manquerait plus qu’un sloggan : Corse, paradis des fachos en tout genre !

En effet, loin de voter comme la tendance nationale, qui a placé E. Macron en tête, nos néo-arrivants ont dû massivement voter MLP pour que notre île soit ainsi teintée en bleu-Marine!

Non ! Imputer la faute à ceux qui viennent d’ailleurs ne tient pas la route !  

En matière de votes, malgré ces néo-arrivants qui devraient nous ramener dans la tendance nationale, la Corse s’est toujours pourtant distinguée !  Etonnant non ?

  • En 1981, elle choisit Valéry Giscard d’Estaing (52.15%) quand la France opte pour François Mitterrand (51.8%)
  • En 1988, elle opte pour Jacques Chirac (54%) quand la France vote encore François Mitterrand (54%)
  • En 2012, elle soutient Nicolas Sarkozy (55.9%) quand la France se laisse séduire par François Hollande (51.6%)
  • En 2017, comme en 2022, au 1er tour, Marine Le Pen arrive en tête quand au niveau national c’est Emmanuel Macron.

J’entends également certains rejeter la responsabilité d’un tel vote sur E Macron : il a fait du déni de démocratie en Corse.

Pourtant la Corse a toujours eu une manière bien curieuse de remercier ceux qui lui ont permis d’obtenir des avancées.

  • C’est sous le premier septennat de F Mitterrand qu’il y a eu la loi sur la décentralisation de Gaston Defferre et la Corse se voit attribuer un statut particulier en 1982 qui va donner naissance à un véritable organe politique, l’Assemblée de Corse.

=> Mais, en 1988, à l’élection présidentielle, la Corse va pourtant donner une fessée électorale au président sortant qui obtient 45,76 des suffrages (J. Chirac : 54.24%) alors que F. Mitterrand est reconduit en remportant l’élection avec 54.03% des voix

  • En 1991, le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe (de gauche) fait adopter un nouveau statut pour la Corse. La nouvelle loi crée une « collectivité territoriale de Corse », au statut particulier.

=> Mais, en 1995, la Corse remercie Lionnel Jospin et la gauche en plébiscitant… J. Chirac qui obtient près de 60% des voix. Si ce dernier remporte l’élection, sa victoire est plus modeste au niveau national avec 52.64%.

  • En 2002, sous le gouvernement Jospin une nouvelle loi est adoptée. Elle renforce les compétences de la collectivité. Les accords de Matignon attribuent à la Corse une enveloppe de rattrapage économique (PEI) de près de 2 milliards d’euros.

=> Mais, cette même année, L Jospin se reprend une veste à l’élection présidentielle. Au soir du 1er tour, il arrive 3ème en Corse derrière JML et JC avec 15.38% (au-dessous du score national 16.18%)

Encore plus troublant, en 2007, N. Sarkozy, pourtant auteur du fameux « nous avons arrêté l’assassin du préfet Erignac », qui constituait une véritable atteinte à la présomption d’innocence d’Yvan Colonna, triomphe littéralement en Corse avec plus de 60% des voix alors qu’au niveau national il ne remportait que 53.06% des suffrages.

En 2012, et deux procès d’Yvan Colonna très controversés plus loin, alors que F. Hollande bat N. Sarkozy avec 51.64%. La Corse, elle, totalement à contre-courant, donne 55,87% de ses voix à N. Sarkozy.

Ainsi, pour l’idée d’une Corse qui se positionne suivant le comportement d’un candidat vis-à-vis de la Corse, on repassera allégrement.  

Enfin, je ne partage pas du tout la position de ceux qui affirment que ce n’est pas leur élection.

Au 1er tour, je veux bien mais quand l’extrême droite gratte à la porte du pouvoir, nous sommes tous concernés.

Les relents d’un populisme nauséabond, à l’instar du nuage de Tchernobyl, ne s’arrêtent pas à des frontières. L’histoire nous l’a appris à nos dépens de la manière la plus dramatique qui soit.

Dans les années 30, peu se souciaient de ce qui se déroulait en Italie ou en Allemagne et pourtant nous en avons payé le prix.

Je ne suis ni hongrois, ni polonais pourtant je m’inquiète de la prise de pouvoir d’une droite extrême dans ces pays.  Une majorité autoritaire et ultranationaliste à la tête d’un État c’est une combinaison de lois liberticides, de réformes conservatrices et de mainmise sur les médias.

J’ai été critique envers la politique d’Emmanuel Macron, certains de mes écrits en témoignent. Mais si je m’inscris, en tant que personne de gauche, dans une opposition à sa vision libérale, je ne peux que combattre l’extrême droite et ses valeurs nauséabondes.

Dimanche, je ne veux prendre aucun risque avec la démocratie.  

Dimanche, je mettrai dans l’urne un bulletin portant le nom du candidat opposé à Marine Le Pen.

Dimanche, je mettrai dans l’urne un bulletin E. Macron !

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