Je vais vous raconter une petite histoire. Il y a longtemps (ça ne rajeunit pas…), j’ai sillonné la France pour passer les oraux des écoles d’ingénieurs pour lesquelles j’avais réussi les épreuves écrites.
Mon périple m’a conduit à Lyon. Il y avait notamment une épreuve qui consistait à passer devant un jury composé de 3 personnes.
Cela se passait normalement quand un des jurés a commencé à me parler de la Corse.
– L’été dernier j’ai été en Corse pour mes vacances, c’était très beau
– oui oui, on le dit… (ai-je répondu avec modestie)
– Seulement voilà j’ai été particulièrement mal reçu !! (D’un air agacé)
– ah bon ?
– Oui ! Des gens très antipathiques voire agressifs ! C’est la première fois de ma vie qu’en visitant une région, on m’a fait remarquer que je n’y étais pas le bienvenu ! Qu’avez-vous à me dire ?
Au fur et à mesure, il a levé la voix en s’énervant vraiment. Au départ, je pensais que c’était pour me mettre en difficulté mais il y avait tellement de conviction dans ses propos que je ne pouvais l’imaginer aussi bon acteur.
Comme je me moquais un peu de cette école, qu’il s’agissait surtout pour moi de préparer des oraux plus importants. Je me suis contenté très calmement de lui faire la réponse suivante :
« Monsieur, si je ne doutais pas que nous n’avions pas, en Corse, le monopole de l’intelligence, vous venez de me démontrer que nous n’avions certainement pas celui de la bêtise ! »
En fait, j’ai toujours eu horreur que l’on fasse de son expérience particulière une généralisation. Oui, il avait peut-être été mal reçu, il n’était peut-être pas tombé sur les bons endroits. Mais en quoi en étais-je responsable et en quoi avais-je à m’expliquer ?
Aujourd’hui, je ressens la même exaspération quand je lis les réactions négatives, chez nous, à l’augmentation de population de la Corse portée par le solde migratoire positif.
Il est fait une généralisation en mettant tous ces néo-arrivants dans le même sac en les rendant responsables de la destruction de notre culture, des problèmes d’accession au logement et d’un certain nombre d’autres maux.
Il évident que, comme partout, ces nouveaux arrivants ont leur lot de crétins mais il y a aussi des gens très bien. Avant de les condamner, sait-on combien ont inscrit leurs enfants en parcours bilingue Corse Français ?
D’autre part, il y a quelque chose de nauséabond à lier la culture et le sang, comme ont tendance à le faire certains.
Une culture ça vit, ça se diffuse ça s’enrichit d’apports extérieurs.
De 2013 à 2019 le solde naturel a été négatif pour un cumul de – 1 498. Mais chaque année le déficit augmente pour atteindre – 365 en 2019. Sur cette période, le solde naturel régional s’établit ainsi à -0,1 % en moyenne annuelle contre + 0,3 % au niveau national
De cet aspect personne ne s’en émeut. La pyramide des âges est déjà très déséquilibrée avec une part des plus +65 ans très importante.
On peut remettre la politique familiale en cause. Mais, à politique nationale identique, en Corse, le taux de fécondité avec 1,33 enfants par femme est le plus faible des régions françaises.
Entre 2013 et 2019, le solde migratoire a été de 1,1 % en moyenne annuelle. Selon l’INSEE en majorité de jeunes couples actifs ce qui a permis de ne pas voir la part des +65 ans exploser.
Alors posons-nous les bonnes questions. Pourquoi le solde naturel insulaire est-il si bas ? Pourquoi avons-nous le taux de fécondité le plus faible de France ?
Ce que nous savons c’est que la Corse possède le taux de pauvreté le plus important de France avec 18.5%. De plus, 26% des ménages insulaires peuvent y basculer à la première difficulté comme par exemple une perte de revenu même limitée. Pire, 1 enfant sur 4 vit dans une famille pauvre en Corse !
Tout cela n’encourage pas à avoir des enfants et il n’est pas sûr qu’une autonomie de plein droit et de plein exercice suffise à faire exploser la natalité !
En revanche, ce qui est certain c’est que, sans jeunesse, il n’y a pas d’avenir !