On le sentait venir, la condamnation par la justice à payer 86 millions d’euros à la Corsica Ferries débouche à un appel à la mobilisation des forces vives.
A moins d’être entouré des pires conseils, dans une procédure contentieuse, on peut savoir quand la défense est mal engagée. Et, dans ce cas, rien n’empêche de négocier pour éviter d’avoir à payer le maximum. Depuis fin 2015 (début de la procédure), il y eu 6 ans pour réunir la Corsica Ferries et l’Etat afin de tenter de trouver un accord transactionnel…
Cet appel est donc lancé par le parti Femu a Corsica qui, seul, a réussi à obtenir la majorité absolue à l’assemblée de Corse avec 40,64% des suffrages exprimés.
Cependant, 98 495 personnes se sont abstenues soit 41,09% du corps électoral insulaire. L’abstention est plus faible qu’au niveau national 65,31% mais bien plus forte qu’en 2015 (32.97%)
Preuve s’il en est que beaucoup d’electeurs ne se retrouvent plus dans l’offre politique.
Force est de constater que pour la vie quotidienne des Corses rien ne bouge vraiment. Je ne parle pas ici des 9,33 % de foyers fiscaux qui font partie des 2 tranches fiscales les plus hautes.
Non, il est question des 18,5% de ménages qui vivent sous le seuil de pauvreté et des 23% qui peuvent y sombrer à la première baisse même faible de revenu. Il s’agit de cette Corse d’en bas, lassée des promesses, qui voit les majorités se succéder sans que rien ne change.
- Que reste-t-il de la délibération n°19/052 de l’assemblée de Corse, du 22 février 2019, portant adoption d’une résolution relative à la mise en œuvre des propositions de la conférence sociale concernant les produits de consommation courante ? Rien du tout !
- Où en est la question des carburants que Gilles Simeoni a pourtant qualifiée d’urgence absolue devant la flambée des prix ? Nulle part !
- Où en sont les travaux de rénovation promis par l’office de l’habitat de Corse (OPH2C) pendant la compagne des municipales malgré une convention d’objectifs et de moyens signée avec la Collectivité de Corse ? Oubliés !
- Nous étions en avril 2021, le projet de révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie, a été adopté à l’unanimité. Le Président de l’exécutif a annoncé vouloir procéder à la rénovation énergétique de 8 700 logements sociaux sous sa mandature 2021-2028, soit plus de mille par an. Ça tombait bien car on assiste à l’envolée du prix des énergies. Mais, rien à l’horizon.
- Nous sommes la région la plus pauvre de la métropole, il manque cruellement de logements sociaux. Il en faudrait au moins 9000 pour répondre au besoin immédiat. Pourtant, l’OPH2C semble en panne de projets. Son PSP (Plan Stratégique de Patrimoine) a été révisé dernièrement mais demeure introuvable. Ses objectifs en matière de création de logements sociaux sont inconnus.
- Quelqu’un a-t-il des nouvelles du comité d’évaluation des politiques publiques pourtant lancé en grande pompe ? Il était censé assurer la transparence et la démocratie ainsi qu’une efficacité de l’action publique. On allait voir ce qu’on allait voir. Eh bien ! Il ne donne plus signe de la moindre activité depuis juin 2021.
Pendant ce temps, si l’on compare les données entre 2017 (conseils département + CTC) et 2020 (CdC née de la fusion des CD et de la CTC), on constate que :
Les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 3 185 €/hab à 3 412 €/hab portées par des charges de personnel qui évoluent de 610 €/hab à 661 €/hab
Les dépenses d’équipement ont diminué de 466 €/hab à 409 €/hab
C’est la première fois qu’une fusion aboutit à faire augmenter les dépenses de fonctionnement et diminuer les dépenses d’équipement.
Pour cette mobilisation, la liste de revendications ressemble, à s’y méprendre, à une lettre au père noël. Tout est mélangé des prisonniers à la demande d’autonomie de plein droit et de plein d’exercice en passant par le foncier, la spéculation, la desserte maritime et la condamnation de la CdC à payer 86 millions à la Corsica Ferries…
Tous les points sont importants mais livrés pêle-mêle, on se demande si certains vont être sacrifiés à d’autres.
D’ailleurs que veut dire « autonomie de plein exercice et de plein droit » ? En tout cas, c’est la réponse apportée de manière systématique à tous les problèmes qui se posent aux Corses.
Ce n’est pas sans rappeler Toinette qui, en médecin, répond inlassablement « le poumon vous dis-je ! » à l’évocation de tous les maux dont pense souffrir Argan, dans le Malade Imaginaire de Molière.
Femu a Corsica, grisé par d’incontestables succès électoraux, semble confondre sa logique de partie avec l’intérêt de la Corse.
« Défendre les intérêts de la Corse » est une démarche transpartisane. Or, pour cet appel à la mobilisation, ni les autres partis, ni les syndicats, ni les associations n’ont été consultés.
Il est demandé à ce que l’on descende dans la rue sur un coup de sifflet derrière leur bannière.
Pourtant, le fait que 76,82 % des inscrits n’aient pas votés pour eux devrait les inviter à plus de modestie.
Femu a Corsica semble confondre le fait démocratique et le fait du prince. Avec cet appel, il mélange habilement le soutien à sa gestion des problèmes et la volonté de défendre la Corse. Soit on valide sa démarche soit on est « ennemi » de la Corse.
Femu a Corsica méprise ce qu’il peut faire au profit de qui lui est impossible de faire. Il prend bien garde de ne pas demander quelque chose qu’il pourrait obtenir car sinon il n’y aurait plus d’excuse à ne pas faire.
Pour moi, la politique ce n’est pas le culte de l’impossible mais l’art de rendre possible ce qui est nécessaire au peuple.
Voila pourquoi, dans ces conditions, je ne descendrai pas dans la rue à l’invitation de Femu a Corsica.