L’accès au logement est sans aucun doute un des soucis majeurs de notre île. Il s’agit pourtant de l’un des principes fondamentaux.
Peut-on envisager une émancipation, de quelque nature que ce soit, si une population ne peut prétendre à un logement convenable ? Clairement, non !
Trouver une solution n’est pas chose aisée. Et cela l’est encore moins qu’on on s’enferme dans un dogme. C’est pourtant ce qui se passe lorsqu’on en vient à affirmer que résoudre la problématique du logement se réduit une dépossession de la terre au détriment des Corses. Une dépossession que l’on ne peut combattre que par l’accession à une autonomie de plein droit et de plein exercice.
Bien entendu, la spéculation existe et certaines zones de notre île sont touchées par le phénomène de lits froids c’est-à-dire par une explosion de résidences secondaires.
De plus, personne ne peut affirmer que plus d’autonomie ne serait pas souhaitable. En revanche, faire croire à ceux qui ne peuvent avoir un logement décent que c’est une condition sine qua none pour améliorer leur quotidien n’est pas honnête.
Cela ne l’est pas parce que cette autonomie n’est pas à l’ordre du jour.
Cela ne l’est pas parce que cela revient à dire que pour améliorer le quotidien des Corses il faut une condition préalable que nous ne sommes pas près d’obtenir.
Cela ne l’est pas parce qu’en mettant toute son énergie à cela, on se prive de mettre en œuvre tout ce qui est possible à droit constitutionnel constant.
En matière d’accession au logement la principale difficulté réside dans la faiblesse des revenus. En effet, la Corse c’est tout d’abord le taux de pauvreté le plus élevé des régions françaises.
C’est également avec 20 670 € l’une des plus faibles médianes du revenu annuel disponible par unité de consommation derrière les Hauts-de-France 20 110 €.

Avec 10 520 € annuels, c’est le plus faible 1er décile des régions françaises. Les plus bas salaires sont plus faibles qu’ailleurs.
30,51 % des foyers fiscaux (soit 58 000) composent les 2 premières tranches de revenu fiscal. Seul les Hauts-de-France fait pire avec 30,86%

Alors faire croire à ces personnes qu’elles pourraient acheter un bien est une ineptie. Pour elles, quel que soit le prix, cela restera trop cher.
Pire, la Corse est la vice-championne de France de l’inégalité avec un rapport entre les 10% qui gagnent le plus et les 10% qui gagnent le moins de 3,59. Le titre revient à la région PACA avec 3,65. (hors Île de France)

En effet, si les bas salaires sont les plus bas de France, les hauts salaires sont dans la moyenne des régions françaises (hors Île de France)
Cela veut dire que si seuls les résidents corses pouvaient acheter, les mieux lotis feraient une razzia au détriment des plus pauvres.
Dans ce contexte, il faut savoir que Corse est la région la plus administrée des régions métropolitaines (hors Île de France). En 2018, la fonction publique pèse 29 116 emplois soit 30% de l’emploi salarié.
La fonction publique d’Etat représente 15 912 emplois (en intégrant la fonction hospitalière)
La fonction publique territoriale représente 12 865 emplois dont 4 4119 au sein de la collectivité de Corse.

Ainsi, il n’est pas certain que moins d’Etat améliore la situation de l’emploi en Corse, loin de là.
A moins que la majorité territoriale ne souhaite créer des subprimes corses, pour permettre aux plus bas salaires de trouver un logement, on n’a rien inventé de mieux que les logements sociaux
A ce niveau, la Corse est la région qui possède le plus faible taux de logements sociaux. Selon un article paru dans Corse Matin du 25/10/21, il manquerait au minimum 9 000 logements sociaux pour répondre au besoin immédiat. Or, l’office de l’habitat de Corse (OPH2C) semble en panne de projets et la ville de Bastia s’apprête à en détruire une centaine.
Autre piste, le coût de la construction est en Corse 20% plus élevé que sur le continent. Baisser ces coûts jouerait favorablement sur le prix des logements.
Voila au moins deux points qui ne nécessitent pas plus d’autonomie pour s’y pencher.
Seulement voilà, l’autonomie est pour cette majorité territoriale ce que le paradis est aux religions. Une sorte d’état spirituel dans lequel les Corses connaitront le bonheur éternel. Il conviendrait de garder un peu les pieds sur terre et pour cela rien de mieux qu’un peu de pragmatisme.
Ce n’est pas forcément l’autonomie qui mène à l’émancipation mais l’inverse. Or, nulle émancipation si on ne fait pas tout ce qui est possible pour permettre aux habitants de notre île de vivre décemment.