Dernièrement, le magazine l’express a publié différents classements qui placent en tête Bordeaux pour l’économie, Paris pour la culture et le numérique, Cahors pour l’écologie, Limoge pour la santé, le sport et l’éducation et Bastia pour…. le cadre de vie, la météo et la sécurité.
Et, il n’en fallait pas plus pour que la majorité municipale y compris le DGS de la ville de Bastia s’en saisissent à force de diffusion sur les réseaux sociaux. « Voilà un classement qui vient saluer le travail accompli pendant plus d’une mandature » se sont-ils dit.
Sauf que la méthodologie nous apprend que le classement a été effectué d’après les critères suivants :
- Proximité du littoral : plus une ville est proche de la mer plus elle obtient de points
- Proximité de la montagne : les villes situées dans un département doté d’un sommet supérieur à 2 000 mètres ont obtenu le maximum de points
- Température, pluviométrie. Météo France. Moyenne sur 30 ans (1981-2010)
- Ensoleillement. Météo France. Moyenne sur 20 ans (1991-2010)
- Cambriolages, coups et blessures volontaires, vols de véhicules, vols contre les personnes. Ministère de l’intérieur, 2020, taux pour 1000 logements ou pour 1000 habitants

On le constate, donc, a moins de se prendre pour le dieu le soleil ou la déesse de la pluie, la majorité municipale ne peut prétendre à aucune influence sur les critères retenus.
Ce concentré d’autosatisfaction pourrait prêter à rire si la situation sociale n’était pas si dramatique.
Notre île possède le plus fort taux de pauvreté et surtout 26% des ménages insulaires peuvent y basculer à la première difficulté comme par exemple une perte de revenu même limitée (INSEE 2021).
On imagine sans peine ce que les augmentations des énergies et leur répercussion sur le prix des produits de première nécessité peuvent avoir comme incidence sur les ménages les plus fragiles.
Paradoxalement, nous possédons le faible taux de logements sociaux par habitant à un prix au m² légèrement supérieur à la moyenne nationale. Selon un article paru dans Corse Matin du 25/10/21, il manquerait au minimum 9 000 logements sociaux pour répondre au besoin immédiat.
Pendant ce temps, le parc privé lui propose une moyenne de prix des loyers très élevée et donc inaccessible aux plus précaires sauf au prix de sacrifices énormes

Une grande partie des logements sociaux datent des années 70 et se trouvent être des passoires thermiques. Cela a pour effet d’accroitre la facture énergétique de ménages pourtant déjà en difficulté.
Malgré la convention d’objectifs et de moyens entre la collectivité de Corse et l’office public de l’habitat (OPH2C) de la collectivité de Corse approuvée le 15 mai 2020 et les promesses de travaux de rénovation de l’OPH2C en juin 2020, rien n’a été entrepris.
La situation à Bastia est tout aussi préoccupante. Le taux de pauvreté est de 23%. Sur le territoire de la CAB 15% des actifs sont sous le seuil de pauvreté.
Comme nous l’a appris Corse Matin, (articles des 9/11/21 et 12/11/21) les effectifs des écoles des primaires diminuent (les jeunes couples préférant les communes du sud) et les spécialistes désertent la ville ou rechignent à s’y installer ce qui accroit la difficulté d’accès aux soins.

Au niveau des finances, les comptes administratifs nous apprennent que la capacité d’autofinancement (CAF) est en baisse constante sur les 3 derniers exercices. Elle présente un niveau bien inférieur à la moyenne des communes de la même strate (20 000 à 50 000 habitants) : 81 €/hab à Bastia contre 187 €/hab.
Entre 2017 et 2020, l’endettement a augmenté de 32% (46 millions fin 2020). La capacité de désendettement en années de CAF brute est passée entre 2017 et 2020 de 5.6 années à 12.23 années ce qui situe Bastia dans la fourchette haute des communes de la même strate.
A ce rythme, il n’est même plus certain qu’une baisse des charges de fonctionnement suffise à éviter de nouvelles hausses de la fiscalité pour augmenter les recettes. A moins que la majorité municipale ne décide de stopper les dépenses d’équipement. Dans tous les cas, les Bastiais seront perdants.
Alors, oui, la majorité municipale bastiaise peut s’autoféliciter d’un classement comme elle peut (faire) croire qu’elle a une influence sur la pluie ou le soleil.
Elle peut également choisir de s’en satisfaire et d’écarter les recommandations de la chambre régionale des comptes. Mais il convient de ne pas oublier le théorème de l’incompétence qui indique que:
«en politique, la masse de l’incompétence employée est égale au poids de l’autosatisfaction nécessaire pour en assurer la promotion »