La pauvreté détruit notre identité

Je dois avouer être désabusé voire agacé. Il y a une constante politique à ne pas considérer la pauvreté dont souffre notre île qui devient exaspérante. Son existence ne fait certes aucun doute mais rien n’est réellement entrepris pour tenter d’y remédier. Tout juste a-t-on droit à de belles envolées lyriques devant les caméras de l’assemblée de Corse.

J’en veux pour preuve le refus de considérer ce que vivre dans la pauvreté peut avoir de violent.  

Carte bancaire refusée pour régler les courses alimentaires, mises en demeure pour les factures impayées d’eau ou d’électricité, visites d’huissier, échéances d’emprunt en retard, risque d’interdiction bancaire voilà à quoi se résume le quotidien des personnes qui tentent de survivre.

Et, avec chaque jour qui passe,  s’amenuise l’espoir de voir la lumière au bout de ce tunnel de galère.

La pauvreté tue ! Il serait temps d’assimiler cette donnée. Par désespoir ou à cause les addictologies qui en découlent, par maladie en raison d’un renoncement aux soins, la pauvreté tue !

Oui, notre fierté nous pousse à ne pas exhiber notre propre misère. Au mieux, on tente de donner le change au pire on s’isole mais on ne dérange pas, on ne se plaint pas.

Cette même fierté qui devient l’allié des ces élus qui, eux, décident de détourner le regard.

Nous en devenons fatalistes « Chi ci si pò fà?».  Un peu comme si cela était ancré dans notre identité.

La Corse est la région de France métropolitaine la plus pauvre avec 18.5% de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Cela peut atteindre 29% par exemple de l’intercommunalité de l’Oriente.

Pire, 26% des ménages insulaires peuvent y basculer à la première difficulté comme par exemple une perte de revenu même limitée.

Le taux de pauvreté avant les redistributions sociales est de 25.5% au niveau régional. Il atteint 27.5% dans l’intercommunalité bastiaise où les prestations sociales représentent 50% du revenu disponible de 9.5% de la population.  

A titre de comparaison, le taux de pauvreté avant redistribution sociale est de 22.5% dans l’intercommunalité ajaccienne où les prestations sociales représentent 50% du revenu disponible de 6% de la population.

Dans une île où l’on se plait à dire que nous prenons soin des personnes âgées, il faut savoir que 35 % des personnes pauvres vivent dans un ménage dont le référent fiscal est âgé de 62 ans ou plus (contre 19 % en France de province).  Au sein des retraités pauvres, les personnes seules représentent 40 % des individus et 7/10 sont des femmes.

Comment peut-on parler d’émancipation quand l’on constate qu’un enfant sur 4 vit en Corse vit dans une famille pauvre ? Ce ratio atteint même 41% dans l’intercommunalité de l’Oriente.

Comment aspirer à vivre dans une île apaisée quand travailler ne permet pas d’échapper à la pauvreté ? Dans l’île, le taux de pauvreté des actifs est de 15%. En ce qui concerne les deux principales intercommunalités insulaires, ce taux est de 15% dans le territoire de la CAB et de 12.5% dans le pays ajaccien. Dans l’Oriente, plus d’un actif sur 4 vit sous le seuil de pauvreté.

Cela s’explique, en grande partie, par la prédominance des bas salaires. Sur le territoire de la CAB ou du pays ajaccien 1 salarié sur 4 perçoivent un bas salaire et plus de 50% des salariés dans l’Oriente.

Alors que la majorité territoriale ou municipale à Bastia veut faire de l’agriculture un secteur d’avenir. Il faut savoir que c’est le domaine d’activité le plus concerné par les bas salaires que cela soit pour l’activité salarié ou des indépendants. Dans les quatre EPCI de la plaine orientale et dans le Nebbiu-Conca d’Oro, ce sont les ouvriers de l’arboriculture fruitière et de la viticulture qui concentrent majoritairement les bas salaires.

Si l’on veut réellement développer l’agriculture, la première des conditions c’est de permettre aux personnes qui y travaillent d’avoir les moyens de vivre décemment !

Le prix de l’énergie flambe, faisant exploser la vulnérabilité énergétique des ménages insulaires. Nous en arrivons au point de souhaiter que l’hiver soit clément car sinon nombre de nos compatriotes devront choisir entre se chauffer, manger ou se déplacer….

Oui, nous en sommes là ! Les témoignages de détresse que nous recevons par le biais du collectif « agissons contre la cherté des carburants en Corse » sont plus qu’éloquents !

Que pèsent la richesse de notre culture, l’intérêt de notre langue devant la détresse d’un père ou d’une mère qui sait plus comment répondre aux rêves d’avenir de son enfant ? Rien !

Qu’on se le dise la pauvreté n’est pas inscrite dans notre identité. Au contraire, elle la détruit.

Les Corses méritent bien mieux que l’aumône ou que d’en être réduits à grossir le flot des usagers des associations caritatives.

Victor Hugo a clamé dans l’enceinte de l’assemblée nationale « en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli »

Vaincre la pauvreté demande de l’action et non de vaines paroles. Et l’action réclame du courage politique et non des prétextes pour repousser sa mise en œuvre.

Ce courage, il est plus que grand temps d’en faire enfin la démonstration !

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