Corse, la rentrée de toutes les injustices

S’il fallait mesurer le gouffre qui sépare les élus et ceux qui vivent dans la difficulté, la rentrée scolaire est le moment tout indiqué.

Alors que pour les premiers c’est l’occasion de souhaiter une belle rentrée à coup de messages remplis d’une empathie artificielle, pour les seconds c’est une période vécue avec la boule au ventre.

Les élus ne voient pas ou feignent de ne pas voir la violence qu’il y a à voir s’accumuler les frais aux impayés.

Ils ignorent tout du désespoir que peut générer de ne pas pouvoir offrir à nos enfants ce qui pour les autres n’est que le minimum.

Ils ne connaissent pas la détresse de ces parents de n’avoir pas les moyens de leur financer des études supérieures, unique option pour échapper à une pauvreté dont ils se savent prisonniers.

Pourquoi on ne part pas en voyage ? Pourquoi je ne peux pas faire comme les autres ? Pourquoi je n’ai pas le droit d’avoir les mêmes choses ? Tant de questions pourtant innocentes qui torturent des parents au bord du gouffre et qui se démènent pour ne pas y plonger.

La dernière chose qu’il leur reste c’est leur dignité. Une dignité pour laquelle ils n’exhibent pas leur pauvreté. Mais une dignité dont les élus se servent pour éluder le problème.  

Et dans une ile où 1 enfant sur 4 vit dans un ménage pauvre, s’étale dans la presse l’indécente querelle, que l’on ose faire pour la démocratie, pour nommer le nouveau président, poste très lucratif, du très clientéliste syndicat d’énergie de la Corse-du-Sud…  

En Corse, cela n’échappe à personne, les observateurs parlent de la gauche, de la droite et des nationalistes. Comme si être nationaliste était n’être ni de gauche, ni de droite.

Si la préoccupation sociale n’est pas le monopole des gens de gauche, elle est inscrite dans leur ADN.

Trop souvent, nous avons assimilé la gauche avec les partis qui la composent. Or, ce sont ces derniers qui se sont effondrés.

 Et, réduire l’état de la pensée de gauche à celui des organisations qui s’en réclament revient à affirmer que, parce qu’il n’y a plus de verre, il n’y a plus d’eau.

Si les partis se revendiquant à gauche ont pris le bouillon c’est qu’ils ont sacrifié l’approche sociale sur l’autel de l’électoralisme. Au point chez nous, en Corse, de disparaitre totalement de l’assemblée de Corse.

Quant aux nationalistes, ils gèrent sans partage la Corse, sans que l’on sache trop s’ils privilégient la fibre sociale ou libérale.

Devant son ampleur, la guerre que l’on doit mener contre la pauvreté c’est celle du pouvoir d’achat.

Et, en la matière, la question du logement est cruciale.

A en croire certains élus, s’il y a un problème c’est UNIQUEMENT à cause de la spéculation. Donc réglons son compte à la spéculation et tout le monde aura son logement.

Mais comme il s’agit d’une problématique mondiale puisque la Corse s’inscrit dans une économie de marché, ce n’est pas demain la veille qu’on avancera.

En Corse nous sommes les champions du monde de la question préalable à régler avant de pouvoir s’attaquer aux vraies difficultés dont souffrent les Corses. En d’autres termes, on masque son incompétence en désignant des responsables : l’ancien système, les spéculateurs…

Pourtant, la collectivité de Corse a des outils concrets entre ses mains notamment les logements sociaux au travers de l’OPH2C.

Il faut savoir que 80% des Corses y seraient éligibles (contre 70% au niveau national).

Or, la Corse cultive un paradoxe (encore un !). Elle a beau être la région de France à avoir le plus fort taux de pauvreté, elle possède le plus faible nombre de logements sociaux pour 10 000 habitants : 425. Seul Mayotte fait pire.

Les départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud sont classés respectivement 79ème et 88ème sur les 101 départements que compte la France.

Entre 2018 et 2019 :

Le parc de logements sociaux a augmenté de 51 en Corse-du-Sud et de 28 en Haute-Corse. Pourtant en Corse-du- Sud, il y a eu 56 logements neufs mises en service et 186 en Haute-Corse.

Cela veut dire qu’en Corse-du-Sud il y a eu 5 logements retirés du service contre 158 en Haute-Corse. (Problème d’entretien, d’insalubrité …). Plus on en produit, plus on en retire.

De plus, le loyer moyen par mètre carré de surface habitable est de 5.63 € contre 5.48 € dans la France de province, loin devant Bourgogne-Franche-Comté qui avec 5.14 € propose le loyer le moins élevé.

On récapitule : la Corse est donc la région la plus pauvre, mais elle offre le moins de logements sociaux à un loyer situé au-dessus de la moyenne de la France de province…

Nul besoin d’aller chercher la spéculation pour voir l’indigence de la politique en matière de logements sociaux.  

Il faut pourtant savoir que le logement social est un outil visant à répondre au droit au logement, qui est reconnu par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007. Attribuer un logement social n’est donc pas une faveur mais un devoir!

Si on peut admettre qu’il ne puisse pas y en avoir pour tout le monde, on doit au moins la plus grande transparence à ceux qui y sont éligibles notamment en matière d’attribution.

Or, l’ancols, agence nationale de contrôle du logement social a réalisé un rapport de contrôle 2017 n° 2017-085 (publié en 2019) portant sur l’OPH de la collectivité de Corse (OPH2C) sur la période 7 novembre 2017 au 10 avril 2018.

Il y est relevé entre autres irrégularités :

  • Irrégularités dans le fonctionnement de la CAL (commission d’attribution des logements)
  • Attributions de logements irrégulières

Pour la transparence, on repassera !

Enfin la rénovation énergétique des logements sociaux est en panne malgré les grandes promesses de l’OPH2C de mai 2020 alor que 20 000 ménages insulaires sont en situation de précarité énergétique. Pourtant, compte tenu, de l’ancienneté du parc, les logements sociaux sont de véritables passoires thermiques.

La politique de rénovation énergétique possède trois énormes avantages :

  • Réduire les dépenses énergétiques ce qui est très important pour les ménages très défavorisés
  • Elle est un des axes de la transition énergétique pour la croissance verte
  • Elle permet de développer un savoir-faire et de créer des emplois plus qualifiés

Or, les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) se succèdent en affichant des objectifs sans que l’on sache si les précédents ont été réalisés.   

Par exemple, entre la PPE adopté en 2015 et le projet de révision de la PPE, adopté à l’UNANIMITE, en avril 2021, on assiste un abaissement d’objectif de rénovation énergétique dans le bâtiment, sans justification. Et nous avons aucune donnée sur ce qui été réalisé entre 2015 et 2021 !

Pire, le Président de l’exécutif annonce vouloir rénover sur la mandature 2021-2028 8700 logements sociaux.  Cela représente plus que la somme du total de logements collectifs (libres ET sociaux) que le projet de révision de la PPE, récemment adopté, prévoit de rénover sur 2019-2028 (8 600)

Nelson Mandela disait que la lutte contre la pauvreté n’est pas un acte de charité mais un acte de justice.

Manifestement, en Corse, cette justice n’est pas inscrite à l’ordre du jour politique ! Loin de là…

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