Jeudi dernier, nous avons encore connu l’horreur. Sous couvert d’un dieu qui ne le reconnaitrait même pas, un individu a commis un acte aussi lâche qu’ignoble. Il pensait comme ses coreligionnaires s’ouvrir les voies du paradis, il a démontré l’étendu de l’abjection.
Si je n’ai pas réagi à chaud, en ce qui me concerne, ce n’est pas par manque de compassion. Comment ne pas avoir une pensée pour les familles endeuillées, frappées par le chagrin.
Je voulais comprendre, tenter mieux cerner le mal qui gangrène notre société.
Depuis l’horrible assassinat du professeur Samuel Paty, et même depuis que le monde a découvert avec stupeur et horreur l’existence d’Al Qaida puis de Daesch, nous entendons parler de du fondamentalisme islamique, de l’intégrisme musulman, des dérives de l’islamisme politique.
Deux mots reviennent comme un leitmotiv à chaque épisode sanglant : islam et musulmans.
Dans ce que certains appellent une guerre civilisationnelle, on en vient à designer les collabos, ces fameux islamo-gauchistes. Une expression, avouons-le, un peu fourre-tout. On y retrouve pêle-mêle, suivant qui l’utilise, ceux qui dénoncent le racisme anti musulmans, les élus qui ont vu un intérêt électoraliste dans les communautés musulmanes, ceux qui s’opposent à la politique du Likoud (en Israël), ceux qui se sentent concernés par la question palestinienne…
Selon le journal Libération, cette expression apparait en France en 2002, dans un livre du politologue Pierre-André Taguieff « la Nouvelle Judéophobie ». il l’a utilisé pour dénoncer «la nouvelle configuration tiers-mondiste, néo-communiste et néo-gauchiste, plus connue sous la désignation médiatique de « mouvement antimondialisation »» qu’il soupçonne d’antisionisme
Cependant, il le reconnait lui-même « le sens devient de plus en plus vague à mesure qu’il devient un terme polémique »
Mais notons que cette chasse aux collabos a quelque chose de nauséabond et de clivant. De quoi ravir ceux qui nous attaquent qui n’en demande pas tant !
Donc, islam, musulmans et fondamentalisme religieux.
La première des choses si nous voulons nous défendre c’est de connaitre nos agresseurs. Et c’est là que le bât blesse.
L’islam n’est pas un et indivisible comme peut l’être le catholicisme dont le chef est le Pape. L’islam est apparu 7 siècles après le christianisme.
Nous avons, déjà, la division sunnite (85 à 90% du monde musulman) et chiite (10 à 15% du monde musulman). Bien entendu, pour simplifier les choses, ils ne s’aiment pas trop.
Les Chiites
Nous les connaissons surtout au travers de l’Iran qui est une république islamique et à l’organisation terroriste Hezbollah qu’elle soutient.
Nous avons eu affaire nous, européens, au terrorisme chiite dans les années 80 via le Hezbollah. En France, en 1986, la France est frappée par 13 attentats qui ont fait 10 morts et 174 blessés.
Mais bien que ce groupe terroriste sévisse encore dans le monde en particulier au Liban, nous n’avons plus connu d’attentats d’obédience chiite depuis.
Les Sunnites
Alors là c’est plus compliqué. Le sunnisme se divise en plusieurs écoles.
Pour simplifier on va identifier, d’un côté, 3 écoles : l’hanafisme (Turquie, Balkans, Égypte, ouest de l’Irak, Asie centrale, Afghanistan), le malikisme (en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest, en Syrie et aux Émirats arabes unis.), le chafiisme (Égypte, Arabie, Yémen, Koweït, Indonésie, Malaisie, Viêt Nam, Philippines et en Thaïlande)
Dans le monde sunnite ces trois écoles représentent plus des 2/3 des pratiquants. Elles apparaissent comme les plus modérées. Bien sûr tout cela est relatif. Les pays musulmans vivent sous une charia loi islamique (l’équivalent de notre code civil) qui peut apparaitre comme archaïque. Mais disons qu’il n’y a pas d’organisation terroriste se réclamant d’une de ces 3 écoles.
Ces trois écoles regroupent la très grande majorité du monde sunnite dans le monde.
De l’autre côté nous avons l’école Hanbalite. Elle est considérée comme l’école traditionaliste par excellence.
On la retrouve aujourd’hui, au travers du wahhabisme majoritaire dans la péninsule arabique (Arabie Saoudite et le Qatar). C’est un courant islamique qui veut revenir aux sources de l’islam, c’est-à-dire qui veut que les musulmans vivent comme les musulmans vivaient au 1er siècle de l’islam.
D’ailleurs, après le boom pétrolier des années 80 l’Arabie Saoudite introduit une dimension missionnaire dans le wahhabisme, en le prônant au-delà de la péninsule arabique.
On retrouve le hanbalisme également au travers du salafisme qui peut être assimilé à la branche la plus radicale du wahhabisme (déjà pas très libéral). A la différence du wahhabisme qui se satisfait d’un dirigeant local – un roi, par exemple (comme en Arabie Saoudite) – s’il respecte et fait respecter la charia, le salafisme souhaite revenir au califat pour l’ensemble des croyants. Le salafisme entend purifier l’islam de toute trace culturelle étrangère.
On distingue trois principales mouvances dans le salafisme contemporain :
- La « quiétiste », refusant de s’impliquer dans la vie civique ou politique et se consacrant à l’éducation des musulmans à la doctrine salafiste,
- La « politique », représenté notamment par l’organisation panislamique des « frères musulmans ». Leur objectif est de créer partis, syndicats et associations « comme moyens d’accéder au pouvoir ou de faire pression sur celui-ci ». Par exemple, en Turquie l’AKP le parti de l’actuel Président Erdogan fait partie de la nébuleuse des « frères musulmans ». Erdogan se rêve en calife d’un califat ottoman qu’il veut restaurer.
- La « djihadiste », qui prône l’action armée dont se revendiquent Daesh et Al Qaida.
Le problème majeur c’est que la mouvance quiétiste est une sorte de sas vers le salafisme politique qui peut être considéré comme la vitrine « légale » d’organisations terroristes.
On le voit, donc, ce que l’on appelle l’islam radical a un nom bien précis. Il s’agit des courants issus du hanbalisme c’est-à-dire le wahhabisme et le salafisme.
D’ailleurs lors d’un conclave, qui s’est tenu du 25 au 27 aout 2016, à Grozny en Tchétchénie plus de 200 éminents religieux sunnites, dont le cheikh Ahmed Al-Tayeb, l’imam de l’université Al-Azhar, au Caire (une institution de référence de l’islam sunnite) ont exclu le wahhabisme/salafisme de la doctrine sunnite. Un véritable séisme dans le monde sunnite.
La France, soucieuse de préserver ses relations avec l’Arabie Saoudite, n’a pas bronché. Il faut savoir que 24 sociétés saoudiennes sont implantées en France. Elles emploient 3 200 personnes pour un chiffre d’affaires cumulé d’environ 350 millions d’euros. Elle est le premier client de la France en termes de contrats militaires.
De plus, l’Arabie Saoudite est le premier fournisseur de pétrole brut de l’hexagone.
Il en va de même avec le Qatar, l’autre pays du wahhabisme. Il dispose d’un fonds d’investissement de 335 Mds$, qui a investi massivement en France, avec notamment le club de football du PSG, le Printemps, ou la chaîne TV BeIn Sports…
Mais ces deux pays ne développent pas leurs liens commerciaux sans chercher à étendre leur sphère d’influence ce qui va de pair avec l’extension du wahhabisme/salafisme.
Car, on peut noter le paradoxe, l’Arabie Saoudite et le Qatar prônent un islam tel qu’il se vivait au moyen âge tout en commerçant avec des pays dont ils refusent l’influence culturel. Cela ne peut s’entendre qui si les échanges commerciaux sont considérés comme un moyen mis au service de leur rôle de missionnaires en propageant le wahhabisme/salafisme qui est la forme de l’islam la plus incompatible avec notre mode de société.
Mais, il est plus facile d’orienter la colère d’une population sous le coup de l’émotion vers Mohamed qui habite depuis plusieurs décennies au coin de la rue que de demander des comptes à des partenaire financiers aussi importants.
Il est plus facile de se tourner inquisiteurs vers les français de confession musulmane que de taper du poing sur la table avec des pays qui importent, avec leurs pétroles et leurs milliards, le courant sunnite le plus incompatible avec nos valeurs.
Il est temps de comprendre qu’aujourd’hui c’est avec le wahhabisme/salafisme la plus passéiste vision de l’islam que nous avons un problème majeur. Une idéologie qui inspire ceux qui sèment morts et désolation partout dans le monde et en France.