Agriculture corse: in vino veritas

Vous vous attendiez à des selfies de fin de soirées alcoolisées ? Et bien, c’est raté !!
Alors que les vapeurs d’alcool commencent à se dissiper après les fêtes de fin d’année, j’ai envie de parler d’agriculture en Corse ! Après tout, « « in vino veritas »
D’ailleurs, lors de la compagne éclaire des dernières élections territoriales, le moment fort a tourné autour des espaces stratégiques agricoles définis dans le PADDUC.
D’un coté, les nationalistes, qui estiment que défendre l’agriculture passe par préserver les terres agricoles en les mettant à l’abri de la spéculation. Ce qui semble logique.
De l’autre, les républicains, qui veulent refaire la carte des fameux ESA en mettant en avant que de petits propriétaires se trouvent lésés car, sans logique, leur terrain se retrouve dans des ESA. Ce qui peut s’entendre.
Mais qu’est ce que l’agriculture en corse ?

  • Il ne s’agit certainement pas d’un moteur économique.

En effet, d’un point de vue économique, la valeur ajoutée (richesse produite) de l’agriculture corse stagne autour des 100 millions depuis 1999. Dans la même période, la valeur ajoutée totale insulaire a augmenté de 141% depuis 1990. Donc, l’agriculture ne représente plus que 1.29% de la valeur ajoutée totale corse.
A titre de comparaison, en 2014, la valeur ajoutée de l’agriculture de la province française représente 2.44% de la valeur ajoutée totale qui y est produite.
Selon une étude de l’INSEE de 2015, les autres iles de méditerranée montraient des résultats équivalents, la VA de l’agriculture représentait 0.9% de la VA totale aux Baléares, 3.1% en Sardaigne, 3.7% en Sicile et 6% en Crète. Ainsi, aucune île de Méditerranée ne semble avoir fait de l’agriculture un moteur économique. Si en Crète le poids de l’agriculture est plus important c’est aussi l’île la plus pauvre de celles prises en référence.

  • Les exploitations agricoles ne cessent de diminuer

Leur nombre est passé de 3 578 en 2000 à 2 626 en 2 013. Le nombre de moyennes et grandes exploitations s’est maintenu (de 1738 (en 2000) à 1582 (en 2013)) Ce sont donc les petites exploitations qui ont fortement diminué.

  • Il ne s’agit pas d’un vecteur d’emplois

L’agriculture corse représente 3.4% des emplois corses, 1.56% des salariés insulaires. Et, les ménages dont la personne de référence est agriculteur exploitant représentent 1.3% des ménages insulaires
Et ces proportions sont en baisse depuis 2009.
Pour comparaison, selon l’INSEE, l’agriculture pèse 1% des emplois aux Baléares, 4.9% en Sardaigne, 7.4% en Sicile et 20.7% en Crète. Il est intéressant de constater, dans les iles méditerranéennes que, plus le PIB augmente, plus la part d’emplois de l’agriculture baisse.

  • 84% des terres agricoles sont inexploitées

Au sujet des terres agricoles, le PADDUC fixe 105 119 hectares en espaces stratégiques agricoles. Or, la superficie totale agricole utilisée était de 163 156 hectares en 2014. Cependant, les surfaces toujours en herbe des exploitations (hors pâturages) représentaient 137 630 hectares. C’est-à-dire que seuls 25 526 hectares sont exploités (céréales, fourrages, prairies artificielles et temporaires, protéagineux, cultures fruitières, vignes).
En somme, 15.7% des superficies déclarées par les exploitants sont utilisés et cela représente 24.3% des espaces stratégiques agricoles du PADDUC .
A titre de comparaison, en 2010, avec 179 940 hectares la Corse possédaient la plus petit surface agricole utilisée (SAU) des iles de méditerranée (Baléares, Sardaigne, Sicile et Crète). Et, la plus importante proportion de superficie toujours en herbe 86% de la SAU. Baléares 11%, Sicile 23%, Crète 58% et Sardaigne 60%.

  • Une production agricole peu diversifiée

L’autosuffisance alimentaire ? Nous sommes très loin d’atteindre une production qui permette de subvenir aux besoins de la population…
Un aperçu des exploitations selon l’orientation technico-économique montre que nous en sommes très éloignés que cela soit en Corse ou dans les autres iles méditerranéennes.
Par exemple, la Corse produit très peu de céréale. En revanche, la viticulture est la première activité économique (38 % de la production en euros) alors qu’elle ne compte que 8 % d’exploitations spécialisées en viticulture. Si la viticulture est la première activité agricole en Corse, celle-ci ne représente que 5 % des surfaces agricoles.
De toutes les iles, c’est la Corse qui a la plus faible production en euro derrière les Baléares. Baléares qui, avec la Sardaigne, possède l’activité agricole la plus diversifiée des iles de méditerranée.

  • Des jeunes peu intéressés et le devenir des exploitations en danger

Si le nombre de dossiers d’installation des jeunes agriculteurs a augmenté depuis 2008 pour culminer à 66 dossiers en 2013, il s’est effondré depuis 2014 (19 dossiers en 2014 et 2015).
Pourtant, la population des exploitants agricoles est âgée. Selon l’agreste corse, un exploitant sur deux a plus de 50 ans et un sur quatre plus de 60 ans, voire un sur trois dans les exploitations spécialisées en arboriculture et en viticulture.
Cette moyenne d’âge élevée pose la question de l’avenir des exploitations. Parmi les exploitants de plus de 55 ans interrogés, un sur deux ne sait pas quel sera le devenir de son exploitation lorsqu’il partira à la retraite.

Pour qu’il y ait agriculture, il faut, bien évidemment, des terres. Mais, en gravant dans le marbre, des espaces stratégiques agricoles bien supérieurs aux espaces réellement exploités, alors que le nombre d’exploitations diminue ainsi que les superficies agricoles exploitée, le Padduc peut condamner des terres à rester en friche en leur retirant toute valeur.
Selon l’agreste corse, au niveau régional, le prix moyen des terres (4 650 €/ha) et celui des surfaces en herbe (2 390 €/ha) sont en baisse par rapport à 2015, respectivement de ¬8% et ¬6%.
Il est vrai qu’au niveau national, la part de l’agriculture dans la valeur ajoutée est devenue marginale (1.79%) mais la France a fait de l’agriculture un secteur stratégique en atteignant l’autosuffisance alimentaire à coup de plusieurs centaines de million d’aides annuelles.
Or, en Corse, l’agriculture est la moins diversifiée des iles méditerranéennes.
Cependant, ce n’est pas parce que l’agriculture a un faible rayonnement économique qu’il ne faut pas lui reconnaitre une valeur stratégique.
Mais, au lieu de sacrifier des milliers de petits propriétaires en retirant toute valeur à leur terre et de faire porter sur eux seuls l’avenir incertain d’une agriculture en déclin, il faudrait, peut être, être en mesure de réorienter la richesse créée par d’autres secteurs économiques afin de dynamiser une profession qui n’attire plus.
On pourrait penser au tourisme. Mais, là encore, nous sommes la seule ile de méditerranée où la capacité d’accueil est largement portée par le camping (60%). C’est 30% en Sardaigne, 17% en Sicile et marginal aux Baléares et en Crète.
C’est-à-dire que nous avons fait le choix d’un tourisme « bon marché »… mais c’est un autre débat

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