En Corse, On connait les « prisonniers politiques » mais si on parlait un peu des « prisonniers des politiques ».
Chez nous, comme sans doute ailleurs, il y a une professionnalisation du politique à tendance transgénérationnelle. Il faut dire que le politique passe très vite de la phase « ils ont voté pour moi donc je les remercie », à la phase « ils ont voté pour moi donc je suis un dieu ».
Voila des années, cela a commencé sous l’ère Paul Giacobbi, on ne parle plus, par chez nous, que de réforme institutionnelle. La réforme qui va tout changer. Mais, pour faire une analogie, il semblerait qu’on s’intéresse énormément aux couverts mais fort peu au repas. D’ailleurs qu’en est il ?
Ca coule de sens, rien de mieux pour mettre du beurre dans les épinards que d’avoir un travail (on admire la transition !).
La population active des 15 64 ans de la Corse était 204 432 personnes en 2014 (source INSEE). Or, le taux de chômage insulaire est de 10.7% au premier trimestre 2017 (4ème région par taux de chômage). Ce n’est pas folichon. Mais, tout le monde le sait, quand on mise sur l’avenir, il faut parier sur la jeunesse. Or, quel est le sort de la jeunesse insulaire ? j
Message à l’attention des parents : « si vous voulez éviter la déprime, c’est le moment d’arrêter de lire ce post ! »
Sur la totalité de la population active, en 2014, les 15-24 ans représentent 33 565 personnes. Le taux d’activité des 15 24 ans est de 43.4% soit 14 558 (on exclut les élèves, étudiants et stagiaires non rémunérés). Cela veut dire que 10 237 ont un emploi, donc 27.4 % des 15 24 ans sont au chômage (plus d’un jeune sur 4).
Cela place la Corse en 3ème position des régions françaises ayant le plus fort taux de chômage chez les jeunes.
Le sort des jeunes femmes corses est encore moins enviable. En effet, leur taux de chômage culmine à 34 % alors que celui des jeunes hommes est de 26.29%.
D’ailleurs, sur toutes les tranches d’âges confondues, la Corse est la seule région française où le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes.
Pour avoir un espoir de s’en sortir, nous n’avons rien trouvé de mieux, pour le moment, que les études. A ce niveau, comment s’en sortent nos jeunes ?
Il convient avant tout de noter que, parmi les non scolarisés de 15 ans et plus, 36.5% n’ont aucun diplôme soit 5 points supérieurs à la moyenne nationale.
Dans cette population des non-scolarisés, un focus sur nos jeunes corses montre que le taux de scolarisation des 18 24 ans (post bac) a reculé de 43.1 % en 1999 à 42.9% en 2014 ! Certes une baisse (-0.2%) qui s’inscrit dans une logique nationale (-0.1%). Mais, il convient de noter que le taux de scolarisation des 18-24 ans en Corse est 10 points au dessous du niveau national (52.4%)
L’iNSEE nous apprend qu’en 2011, c’est en Corse que l’on trouve la part la plus importante des jeunes sans diplôme 15.7%.
Selon une enquête menée en 2016 par le MENESR-DEPP, dans le secondaire, ce décrochage pourrait s’expliquer par un taux de retard des élèves entrant en sixième qui est le plus élevé des régions métropolitaines.
Quoiqu’il en soit, en 2011, selon l’atlas social de l’INSEE, le taux de scolarisation des 18-21 ans n’est que de 60 % en Corse, 8 points de moins qu’au niveau national !!
Il faut dire que la structure du marché de l’emploi en Corse ne sait pas intégrer les jeunes diplômés. En 2012, 36.6% des 20 à 30 ans sont surqualifiés c’est-à-dire qu’ils ont des diplômes supérieurs à ceux que nécessite leur emploi. Les femmes sont bien plus touchées par cette surqualification que les hommes 32.8% contre 23.6%.
Un déclassement qui atteint, en 2011, toujours selon l’INSEE, 72.4 % des jeunes femmes actives très diplômées (bac+3 ou plus et moins de 35 ans), le plus fort taux de toutes les régions, presque 10 points de plus que la France des provinces
Vous êtes jeunes ? Vous êtes diplômés ? La solution serait de partir ! Ce n’est pas moi qui le dit ce sont les statistiques. En effet, parmi les diplômés du supérieur natifs de Corse, ceux qui y résident en 2012 sont plus fréquemment surqualifiés que ceux qui résident actuellement ailleurs (53 % contre 35 %). Le départ reste donc un moyen d’obtenir un emploi en adéquation avec son niveau de diplôme. Mais pas certain que l’exil de nos jeunes diplômés participe au développement de la Corse.
Il faut dire que la part des cadres, professions intellect. supérieures ne représente que 9.9% de l’emploi en Corse soit le taux le plus faible des régions françaises. Or, les cadres supérieurs comptent 44 % de sous-diplômés dans leurs effectifs c’est-à-dire qu’ils ne détiennent pas un diplôme de 2e ou 3e cycle du supérieur. Cette part est supérieure de 5 points à la moyenne nationale.
Le phénomène de déclassement peut s’expliquer par le du poids de la construction et du tertiaire en Corse, en particulier des activités liées au commerce et à l’hôtellerie-restauration, la structure de l’emploi est, ainsi, tirée vers les emplois non qualifiés.
Je vois d’ici certains s’agiter ! Ils ont leur coupable ! le TOU-RIS-ME je vous dis !
Et, bien non, car les emplois peu qualifiés et saisonniers liés au tourisme sont occupés à 72% par des gens vivant en Corse dont 42.8% ont moins de 25 ans. Or cette précarité peut sauver nos jeunes de la misère.
Effectivement, en Corse comme ailleurs, les jeunes sont davantage exposés à la pauvreté. Le taux de pauvreté des ménages corses dont le référent fiscal a moins de 30 ans est de 27,2 % contre 20,4 % pour l’ensemble des ménages. Ce taux est également plus élevé que la moyenne nationale (21,9 %).
La structure de l’emploi est tirée vers les emplois non qualifiés car nous n’arrivons pas à attirer des entreprises capables d’offrir à nos jeunes des emplois en adéquation avec leur diplôme. Et, selon diverses études, dont un avis du conseil économique social et environnemental de 2009, les infrastructures sont un élément non suffisant (certes) mais essentiel du développement économique et, donc, de l’attractivité.
En vérité, je vous le dis, le couvert peut être aussi beau que l’on veut, 3 petits pois ne feront jamais un festin…. Mais ainsi va la vie chez nous…