Le 7 janvier 2015, au lendemain de fêtes de fin d’année, l’horreur a frappé à notre porte. En l’espace de 3 jours, 17 personnes furent assassinées au nom d’une cause que nous rejetons, au nom d’un dieu que seuls les assassins semblent connaitre.
En plein Paris, des hommes armés de simples crayons sont tombés sous les balles meurtrières. Crayons contre Kalash, liberté d’expression contre obscurantisme voila ce que fut et sera à jamais ce jour.
Mais, au-delà de la mort d’hommes et de femmes, c’est un symbole que l’on a essayé d’atteindre. Au cœur d’une République qui mit la liberté d’expression comme fondement du socle démocratique, les tenants d’une absurde interprétation religieuse ont frappé.
Revenons sur cette liberté d’expression pour bien nous rendre compte de ce qu’elle représente. Le mouvement des Lumières déboucha sur la Révolution française de 1789 qui cristallisa dans toute l’Europe la notion de Liberté d’expression à travers la première Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
Article XI – La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme: tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi.
Cette même déclaration des droits de l’homme est visée dans l’article 1er de notre constitution dans son préambule.
« Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »
Faut-il rappeler qu’une constitution fixe l’organisation et le fonctionnement d’un Etat. C’est-à-dire qu’elle est représente la base du savoir vivre ensemble d’une société donnée.
Ainsi cette liberté d’expression n’est pas négociable. Elle est l’essence même de notre république.
La liberté d’expression est l’arme d’une société qui ne souhaite pas vivre à genoux. Elle est le prolongement de notre liberté de penser. Car que serait notre pensée si nous ne pouvions pas la communiquer.
Ce symbole a réuni dans les rues de France plus de 4 million de personnes. Il n’y avait pas d’élus, pas de musulmans, de juifs ni de catholiques. Il n’y avait plus d’homosexuels ou d’hétérosexuels. Pas plus de noirs, de beurs ou de blancs. Pas de pauvres ou de riches. Pas de jeunes ou de vieux, pas d’actifs ou de chômeurs. Il n’y avait que des citoyens voulant montrer que personne ne pourra leur retirer la liberté de s’exprimer. A ce jour d’effroi a répondu un jour de fierté, celle de faire partie de cette société unie et solidaire.
Et, la grande question réside dans l’après…. Que faire de ce 11 janvier 2015 ?
Une société est un ensemble de groupes. Il serait une erreur de la croire homogène. Elle est justement riche de ses différences. Différents religions, différentes cultures.
Tous les individus constituant une société ne sont pas égaux. Il y a des biens portants, des malades. Il y a des chômeurs et des actifs. Il y a des gens au crépuscule de leur vie et d’autres à l’aube.
La France a choisi comme cohésion la Fraternité Républicaine. Elle prend en charge la solidarité républicaine.
Les biens portants paient pour les malades
Les actifs pour les chômeurs
Ceux qui bénéficient de la liberté paient pour ceux qui l’ont défendue (anciens combattants)
Si nous comparons tous les groupes et sous groupes, en lesquels se décomposent notre société, à des feuilles, la solidarité nationale est l’épingle qui permet à ces feuilles de ne pas se disperser aux 4 vents.
Or, qu’est ce que la crise économique que nous sommes en train de traverser si ce n’est une tempête. Et, alors que nous traversons une crise sans précédent, on veut nos vendre l’austérité comme meilleur remède. Une austérité dont la conséquence directe est l’affaiblissement de la solidarité nationale. C’est-à-dire enlever le seul lien qui permet à chaque feuille de rester solidaires.
Devant l’horreur et la barbarie, la société s’est à nouveau soudée. Chaque groupe, chaque sous groupe a vu dans l’union la force.
Mais depuis ? Depuis, le travail de sape de l’érosion du lien social a repris. Après l’horreur, des voix s’élèvent pour demander aux musulmans de faire le ménage. On en oublierait presque que c’est à des français que nous parlons. L’islam n’est plus la religion de l’étranger. Nous avons des compatriotes qui sont musulmans.
Renvoyer les musulmans à un nettoyage spirituel revient à demander à un groupe français de faire face à la menace. Est-il utile de rappeler que des musulmans tombent sous les balles des mêmes assassins que Charlie. Faut-il rappeler que les assassins de Charlie ont tué un musulman pourtant déjà à terre.
Alors, bien sûr, il y a cette loi de 1905. Cette loi admirable de séparation de l’état et de l’église. Notre République est laïque. Et, c’est une bonne chose.
La conséquence de cette laïcité est l’interdiction faite aux collectivités de subventionner des lieux de cultes. L’Etat ne se mêle pas de religion et la religion ne se mêle pas de l’Etat.
Cependant, personne ne s’émeut de la dérogation accordée après la 1ere guerre mondiale à 3 départements réintégrés dans le giron de la France : le Haut Rhin, le bas Rhin et la Moselle.
En effet, l’Alsace et la Moselle ayant été réintégrés après la loi de 1905, cette dernière n’a pas été étendue en raison de l’attachement des Alsaciens et des Mosellans au concordat de 1801, toujours en vigueur chez eux.
Au nom de la cohésion sociale, la France a su faire une entorse à sa loi de 1905. Et c’est avec une certaine gourmandise que je vous renvoie au code pénal qui s’applique en Alsace Moselle.
Article 166 Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens ou une communauté religieuse établie sur le territoire de la Confédération et reconnus comme corporation, ou les institutions ou cérémonies de ces cultes ou qui, dans une église ou un autre lieu consacré à des assemblées religieuses, aura commis des actes injurieux et scandaleux, sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus.
D’ailleurs en 2013, le conseil constitutionnel a rappelé que la laïcité avait une valeur constitutionnelle, sauf dans ces trois départements déboutant ainsi une association pour la défense de la laïcité qui demandait l’application de la loi de 1905.
Alors interrogeons nous sur notre intransigeance laïque envers la religion musulmane. Une religion importée en France bien après la loi de 1905.
Ces musulmans qui ne disposent pas toujours de lieu de culte. Des lieux de cultes que les collectivités ne peuvent financer alors que, par exemple, l’Arabie Saoudite n’hésite pas à le faire.
Cette Arabie saoudite qui vient de condamner un blogueur à dix ans de prison, 225 000 euros d’amende et 1 000 coups de fouet pour avoir critiqué le gouvernement et l’islam !
Fort heureusement, de ce financeur les musulmans français, en général, n’en veulent pas. Alors que dans le même temps, l’Etat français, lui, n’hésite pas à lui faire des appels du pied pour lui refourguer des avions Dassault dont personne ne veut !
Nous avons mis plusieurs siècles à digérer la religion catholique et sa complexité. Nous avons commencé au 14ème siècle avec le gallicanisme. Une doctrine religieuse et politique cherchant à promouvoir l’organisation de l’Église catholique en France de façon largement autonome par rapport au pape. Puis, la loi de 1905 et la dérogation accordée à l’Alsace Moselle.
La religion musulmane est toute aussi complexe et toute récente. Nous ne pouvons pas attendre que son adaptation à la République ne soit le problème que des français musulmans.
Nous avons le devoir de Fraternité envers nos compatriotes musulmans. Et, nous devons bien prendre conscience qu’il s’agit de notre problème à tous sous peine de voir la cohésion sociale de notre société voler en éclat !
En tant que laïc convaincu, je considère cette loi de 1905 comme essentielle au « bien vivre ensemble ». Mais, il ne faut pas que cette loi devienne une loi d’exclusion ce que tente, d’ailleurs, de faire le FN !