Je n’aime pas facebook. En fait, je n’aime aucun raison social virtuel. Non, je crois que c’est le terme virtuel qui me pose problème. Virtuel qualifie ce qui est en puissance sans effet actuel.
Il s’agit d’un état potentiel susceptible (seulement) d’actualisation. Pour illustrer ce propos, ceux de ma génération se souviendront du « canada dry ». Cette boisson dont le slogan publicitaire était « Ça a la couleur de l’alcool, ça a le gout de l’alcool… mais ce n’est pas de l’alcool ».
Et bien le virtuel « ça a la couleur du réel, ça a le gout du réel…mais ce n’est pas le réel ». Attention, il ne s’oppose pas au réel, il n’en a pas le coté concret.
L’actuel qui s’oppose au virtuel peut être ennuyant, douloureux. Cet ennui, cette douleur sont concrets. Ex : une prise de tête avec un ami, une dispute avec un proche.
Le virtuel peut potentiellement devenir concret mais ce « potentiellement » fait qu’à tout moment, il est possible de le déconnecter du réel en éteignant son ordinateur.
Se disputer avec un ami, mettre fin à une amitié, se faire trahir par un ami sont des épreuves concrètes. On constate qu’on s’est trompé, qu’on a fait une erreur et ça fait mal.
En revanche, rien n’est plus simple que de zapper un ami virtuel devenu encombrant. Nous n’aurons jamais à affronter les chamboulements de notre vie concrète. On ne fait que retirer à l’ami virtuel sa potentialité à devenir actuel.
Le virtuel est un peu comme ces ardoises magiques des enfants, on peut effacer ce qui ne convient pas.
Cependant, c’est dans les erreurs qu’on apprend. C’est dans la confrontation concrète avec les autres qu’on développe notre sens du relationnel, notre feeling du monde extérieur. Nos amis, les vraies, ne sauraient être virtuels car quand nous avons besoin d’eux nous voulons une présence concrète, palpable, tangible.
Mais personne n’aime souffrir. Or, le virtuel offre la promesse d’une non-souffrance car il est très facile d’effacer une relation devenue chiante sans avoir à affronter le poids de la proximité ou le regard de l’autre. « Retirer de sa liste d’ami » puis valider et le tour est joué.
Ca en devient tellement facile qu’il en devient impossible de retirer les leçons de ses erreurs. Dans le monde concret s’apercevoir qu’on s’est trompé sur ami est pénible, tellement pénible qu’on va essayer de ne plus revivre cela en étant plus sélectif par exemple.
Dans le monde virtuel, rompre est si facile qu’on se moque de faire une erreur.
L’autre danger vient du fait que je ne connais pas grand monde qui aime souffrir. Or la promesse de ce monde sans souffrance attire de plus en plus de gens. Et, bien que le nombre d’amis virtuels explosent, beaucoup se retrouvent de plus en plus isolés.
En effet, nous avons envers nos amis réels un pacte, celui qui fait qu’ils peuvent compter sur nous et inversement. Et, plus les années passent, plus ce pacte se renforce.
Vous imaginez en cas de coup dur, un ami vous répondre « désolé je n’ai plus de batterie » ou « mon ordi est tombé en panne). C’est la différence entre un ami réel et virtuel. Cette différence explique l’isolement de ceux qui délaissent un monde tangible (qui peut être douloureux) pour un monde virtuel (qui ne promet aucune douleur).
Si l’on considère le « divise et tu régneras » de notre cher Machiavel, on constate l’avantage qu’il y a pour ceux qui veulent régner d’avoir des individus qui passent de leur travail à un monde virtuel sans attache, sans solidarité, sans pacte d’amitié tangible. Le contre pouvoir nait de l’union, d’une assemblée d’individus qui partagent les mêmes valeurs et faisant preuve de solidarité les uns envers les autres. Et, l’union fait la force.
Le virtuel sous couvert de réseaux dits sociaux désociabilise l’individu car les règles évidentes de la vie en société n’ont plus cours.
Imaginez que vous rentriez avec votre femme dans un bar. Et, que marchant vers une table un inconnu s’écrie « elle a de belles jambes ! » ou « fait une allusion à ses sous vêtements » ou bien «évoque sa sensualité ». Je vous imagine, en pensant à une telle scène, sentir monter une colère qui vous fait dire « il n’aura pas, sitôt, fini sa phrase que je lui faire tâter la sensualité de la chaise qu’il va prendre dans sa gueule !! ».
Mais pour éviter que l’on vienne m’accuser d’un machisme rétrograde, imaginez la tête de votre femme si elle entendait une jolie blonde s’esclaffer « quel canon ce mec !! ». Déjà vous prendriez une gifle parce qu’on vous trouve sexy quant a la blonde la blonde… aïe, aïe aïe !!
Si ce genre de situation reste peut fréquent dans la vie concrète car la vie en société apprend au mieux le respect au pire le risque de recevoir une chaise en travers de la gueule. Le monde virtuel lui s’affranchi de ces règles.
En effet, comment imaginer que l’ami(e) virtuel(le) a une vie concrète dans laquelle il(elle) a une copine (un copain) qui pourrait prendre comme un manque de respect notre innocente remarque.
Quant à tirer une chaise à la gueule d’une personne virtuelle, de manière tangible il n’y a que votre ordi qui en pâtirait.
Non décidemment, les réseaux sociaux « ça a la couleur de la société, ça a le gout du de la société…mais ce n’est pas la société »