Aujourd’hui la droite républicaine a un choix à faire. Un choix douloureux. Ce choix porte dans son positionnement par rapport à l’extrême droite.
Doit-elle refuser le dialogue au risque de faire exploser l’UMP sur sa droite, doit-elle accepter le dialogue au risque de faire exploser l’UMP sur sa gauche. Le centre n’ayant pas dépassé les 10%, il se peut que la perte de son aile gauche soit jugée acceptable pour récupérer une partie des 20% de l’extrême droite. Juger acceptable au nom de la victoire.
Il faut comprendre que les hommes politiques de 1er plan, ceux qui ont le potentiel pour occuper de hautes fonctions sont convaincus qu’ils représentent l’avenir de la France. Ils se sentent presque investis d’une mission. Ils sont l’alternatives, ils sont la solution, ils sont la France. Et, que les moyens pouvant leur permettre d’arriver au pouvoir n’ont que peu d’importance tant ils sont persuadés qu’ils sont ce dont la France a besoin.
C’est parce qu’ils s’en sont persuadés, qu’ils subissent des choses que le commun des mortels ne pourrait supporter, c’est même là que souvent ils puisent un courage que peu pourrait avoir.
Il suffit de faire un tour rapide de quelques Présidents de la Vème République. De Gaulle, qu’on ne présente plus. Ce « petit » général de brigade qui va incarner la France libre d’une France pourtant occupée. Cet homme est devenu la France et son avenir. C’est sans doute dans cette conviction qu’il a pu supporter le dédain de Roosevelt et Churchill. Comment cet homme qui, a« sauvé » la France, a-t-il pu supporter cette longue traversée du désert de 1953 à 1958. 5 longues années, écarté du pouvoir, retiré à Colombey-les-Deux-Églises. C’est tout simplement parce qu’il savait que la France ne pourrait pas se passer indéfiniment de lui.
Mais, il en est de même pour François Mitterrand. De l’affaire de l’observatoire, en cuisantes défaites. Il a su attendre, mettre en place les pièces, avec patience et abnégation, sans jamais douter de sa victoire. Il était la solution. Il ne pouvait qu’accéder au pouvoir. Tout ce qui pouvait l’y conduire était acceptable car il était l’alternative dont la France avait besoin. Cette conviction lui a donné le courage d’affronter sa maladie, il ne pouvait abandonner la France. Chirac ? C’est le même raisonnement. Il a du ronger son frein quand Giscard a été le champion de la droite, n’hésitant pas à précipiter sa fin en 1981. Il a du subir les humiliations de Mitterrand quand, pendant la cohabitation, il a été son 1er ministre. Mais il savait qu’il avait une mission grandiose à accomplir. La France avait besoin de lui. Il a tout enduré, y compris la trahison de ses amis, jusqu’à accéder au Saint Graal.
Sarkozy. Idem. Toute sa vie a été consacrée à son ascension politique. Il ne lui faisait aucun doute qu’il avait une mission à accomplir pour son pays. Celle de le diriger pour son bien. C’est sans aucun doute, là, qu’il a puisé le courage de sauver un enfant. Le 13 mai 1993, Érick Schmitt, alias « Human Bomb », retient en otage 21 enfants dans une classe d’une maternelle de Neuilly-sur-Seine. Nicolas Sarkozy négocie directement avec « HB », et obtient la libération d’un enfant. C’est dans son absolue conviction qu’il va incarner la France qu’il supporte la traversée du désert après la défaite de Balladur en 1995. Il avait rejoint ce dernier, n’hésitant à trahir, au nom de cette même conviction, son mentor Chirac.
Et, Hollande ? Encore la même chose, « fraise des bois », « flamby » et autres quolibets qu’il a du essuyer sans broncher. Mitterrand qui ne lui donne aucun ministère alors qu’il a su vaincre Chirac sur ses terres de Corrèze. Personne de son propre camp ne croyait en lui… sauf lui, convaincu qu’il a toujours été qu’il devait incarner la France.
Bonnant-malant, cela ne nous a pas trop mal réussi. La France a été jusqu’à ces dernières années l’un des pays où il fait le mieux vivre. Nous avons eu des avancés sociales : sécurité sociale, avortement, abolition de la peine de mort, RMI etc etc…
Cependant, force est de constater que ces hommes politiques persuadés qu’ils sont que la France a besoin d’eux, ne vont pas ménager leurs efforts pour arriver aux plus hautes fonctions. Et, ils peuvent, très souvent, fermés les yeux sur les moyens utilisés. Mais, comprenez bien qu’ils pensent tous être un bien pour la France. Et, la fin justifie les moyens. Dans ce jeu là, nous électeurs nous ne sommes que le moyen pour qu’ils y parviennent. Et, des fois, nous ne sommes que des pions que l’on ne cesse de vouloir manipuler.
Dans l’étendu des moyens mis à leur disposition, il y a deux choses qui fixent des limites. Le respect des lois de la République. Et, le respect de l’esprit de la République incarnée par sa devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». Mais, une entorse peut être envisagée si le « pas vu pas pris » est respecté.
Comprenons bien ce que le « pas vu, pas pris » implique. En effet, moins nous nous intéressons à la politique et aux politiques, plus nous acceptons de suivre sans comprendre, plus grande sera leur chance de ne pas être pris pour les entorses aux lois et à l’esprit de la République.
Ces politiques ont à la fois besoin de leurs électeurs mais moins ces derniers s’intéressent à la politique, mieux c’est.
Dans ce contexte, nous assistons à une percée sans précédent de l’extrême droite qui s’est toujours placée à la limite de la République : un ½ pied dedans et 1,5 pied dehors.
Le raisonnement est le suivant : nous ne pouvons pas ignorer le choix de 6 millions de personnes. Nous devons les écouter. Et donc, les idées, considérées hors champ de la république, se trouvent d’un coup légitimées.
D’ailleurs, pourquoi plus les écouter en 2012 qu’en 2002 quand Jean Marie Lepen est arrivé au 2nd tour. Chirac avait même refusé le traditionnel débat de l’entre deux tours. Ce qui change entre ces deux elections c’est qu’en 2002 nul besoin des voix du FN, alors qu’en 2012, il ne pouvait y avoir de victoire sans ces voix.
Qu’est ce que cela veut dire ? Et, bien, la République n’inspire plus, elle suit et décalerait ses principes en fonction de l’endroit où se trouvent les voix. En somme elle se trouverait sous influence d’une forme de mode tantôt aux extrêmes tantôt au centre…
Il ne faut laisser aux seuls politiques, prisonnier du raisonnement expliqué ci-dessus, le soin de décider si oui ou non les idées de l’extrême droite sont exploitables dans leur quête du pouvoir.
Dans une perspective de victoire, et sous ce seul aspect, l’extrême droite peut apparaître comme une solution pour certains hommes politiques de la droite républicaine.
Mais, c’est également au militant de l’UMP de bien réfléchir aux raisons qui les poussent à militer. Sans militant, un parti n’est rien. Sans militant, un parti ne peut rien gagner. Or, le militantisme c’est le choix de valeurs. Et, il est demandé aux dirigeants d’un parti d’incarner ces valeurs. Les dirigeants de l’UMP veulent la victoire. C’est normal. C’est aux militants que revient le devoir de leur faire comprendre que tous les moyens ne sont bons. En tout cas, pas ceux qui tournent le dos à la devise de notre République « Liberté, Egalités, Fraternité ».
Il n’est pas demandé à un homme politique d’être beau, ce sont les valeurs et les idéaux qui doivent l’être. Ce qui fait rentrer un homme dans l’histoire ce sont les idéaux qu’il a su incarner et certainement pas la mode qu’il a su inspirer.